Les « lois fondamentales »
C’est avec empressement que je remercie notre ami le professeur Franck Bouscau de m’avoir confié sa conférence, je dirais fondamentale, sur les lois fondamentales du Royaume de France, donnée en 2013 devant l’« Association du Troisième Jeudi » présidée par M. Claude Giry.

Le sujet devrait intéresser chaque monarchiste. Le droit traditionnel est au cœur de l’institution royale de l’ancienne France : nous sommes passés depuis les Mérovingiens, d’une succession divisée entre tous les héritiers, en un legs de tout le royaume au fils aîné, sous les Capétiens.
Les royalistes ont souvent l’occasion d’en revenir, à ces fameuses lois, dans leurs discours et leurs écrits. Cependant, il faut bien en convenir, le sujet est assez mal connu. C’est pourquoi l’article du professeur Bouscau est le bienvenu. Enfin n’oublions pas que c’est l’injuste mépris de ces lois qui a amené les vainqueurs de la Guerre de Succession d’Espagne, aux termes du Traité d’Utrecht (1713), à mépriser les droits sur la France, du roi d’Espagne Philippe V pourtant petit-fils de Louis XIV.
Une constitution royale effective
L’expression « lois fondamentales » désigne les normes suprêmes des institutions d’un pays. On la rencontre parfois à notre époque, par exemple pour désigner la constitution de la République Fédérale d’Allemagne. Cependant la notion est ancienne et recouvre une réalité traditionnelle, un peu comme Monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir. Sous l’Ancien Régime depuis le XVIe siècle, on désignait ainsi les lois de transmission de la couronne. Au XVIIIe siècle, avec l’esprit des Lumières, on discuta la question de savoir si ces lois relevaient ou non d’une constitution (étant donné qu’elles ne concernaient que le pouvoir royal et les droits et biens de la couronne et ne décrivaient pas les pouvoirs publics ainsi que leur interaction ni les prérogatives des citoyens 1. Néanmoins, rejetant cette problématique particulière, les contemporains historiens du droit considèrent généralement ces lois fondamentales comme une constitution car elles régissaient le sort de l’institution maîtresse de l’ancienne France, la Royauté 2.
Des lois coutumières régissant la Succession à la Couronne
Les lois fondamentales de la Couronne de France sont apparues à l’époque et dans le contexte du Moyen-Âge capétien. Plutôt qu’élaborées, l’on peut dire qu’elles ont été dégagées empiriquement pour résoudre les difficultés rencontrées dans le cadre de la transmission du pouvoir royal. Par exemple, la royauté devait-elle être transmise en raison de la filiation, ou être remise à un choix des grands ? La solution empirique adoptée, à savoir le fait d’accorder systématiquement la succession royale au fils aîné du roi, en se répétant, a abouti à constituer un usage que le corps social a tenu pour obligatoire, c’est-à-dire une coutume.
Des lois au service de l’Aîné

Coutumières, les lois fondamentales étaient, en principe, orales 3, tout en pouvant être néanmoins constatées par écrit si besoin (par exemple l’arrêt de la loi salique de 1593…). En outre, une fois admises, ces lois étaient rigides, c’est-à-dire qu’elles étaient, en principe, tenues pour intangibles 4.
La constitution d’un tel corps de règles stables de transmission de la couronne a abouti à créer une légitimité c’est-à-dire à déterminer l’ordre de succession d’une manière indiscutable, que celui-ci se traduise par une souveraineté effective sous la royauté, ou seulement par une revendication politique lorsque la royauté est mise de côté par un autre régime. L’on verra que c’est suivant ces procédés que la transmission héréditaire s’est imposée. Mais cette hérédité agit suivant des règles spécifiques, distinctes de celles des successions ordinaires : ainsi la vocation successorale s’est-elle concentrée sur le fils aîné, et les filles ont-elles été exclues. Par la suite, le sort de la couronne et celui des biens et droits qui en dépendaient, ont été mis hors de la portée des volontés changeantes des hommes, si bien que le Roi a fini par appartenir à la couronne, et non l’inverse.
Un caractère de stabilité
Au XVIe siècle, l’édifice a été ébranlé, puis finalement consolidé, par les guerres de religion au terme desquelles la loi de Catholicité du Roi a été proclamée. L’ensemble des règles de droit dynastique, ainsi constitué au fil des siècles et qui permettait une désignation indiscutable de l’héritier de la couronne, s’est maintenu jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, et c’est cette stabilité, et non plus une incertitude, qui a été visée par quelques tentatives de remise en cause (succession d’Espagne, princes légitimés…), lesquelles n’ont pas abouti.
Au final, l’on considère généralement que la chute de la monarchie légitime, en 1792 (répétée en 1830) a figé le droit dynastique dans son dernier état, et qu’il a conservé son autorité pour la désignation de l’héritier potentiel de la couronne. Pour présenter cet ensemble de règles, nous envisagerons d’abord les lois liées à la filiation royale (hérédité, primogéniture, masculinité), puis celles qui sont relatives à l’être moral de la royauté (indisponibilité de la couronne et inaliénabilité du domaine). Enfin on envisagera les discussions de l’époque moderne (catholicité lors des guerres de religion, indisponibilité sous le roi Louis XIV…).
I – Les lois fondamentales liées à la filiation royale
Une succession d’abord héréditaire : la couronne comme patrimoine familial

Avant Clovis, les Francs choisissaient leur roi dans la famille mérovingienne. L’élu était hissé sur le pavois, ce qui constituait une forme de publicité. À partir de Clovis, grand conquérant et premier roi baptisé (vers 496), le royaume franc a été considéré comme un butin, que se partageaient les fils du roi défunt. En conséquence, la succession devint héréditaire dans sa descendance. La succession familiale n’était modifiée que par l’assassinat, d’ailleurs relativement fréquent chez ces princes turbulents.
Naissance d’une dynastie: les Pippinides
Cependant, après Dagobert (VIIe siècle) la dynastie mérovingienne est entrée en décadence : les rois, souvent éphémères, n’ont guère de pouvoir, n’ayant plus beaucoup de terre à distribuer pour s’attacher des fidélités. À côté d’eux, les maires du palais, c’est-à-dire les personnages dont l’office consistait à l’origine à assurer l’intendance de la demeure royale, prennent de plus en plus d’influence et réussissent à accaparer la réalité du pouvoir. Une famille, les Pippinides, obtient cette charge et réussit à la conserver héréditairement, constituant de fait une sorte de dynastie parallèle.
La prise de pouvoir de Pépin Le Bref
En 732, un de ces maires du palais, Charles Martel, acquiert un grand prestige en arrêtant une invasion arabe à Poitiers. Son fils, Pépin Le Bref, décide de mettre un terme à la division quelque peu schizophrène du pouvoir (entre la dignité royale apparente et la fonction gouvernementale effective). S’étant assuré de l’approbation du pape, il relègue le dernier roi mérovingien et son fils dans des monastères 5 et se fait élire lui-même Roi des Francs, c’est-à-dire qu’il se fait acclamer suivant le mode traditionnel. Par ailleurs il fait solenniser sa prise de pouvoir par une cérémonie religieuse catholique, le Sacre Royal6, qui confère une aura religieuse à son pouvoir. Le recours à ce rite d’inauguration du règne marquera l’avènement de tous ses successeurs jusqu’en 1825.
L’introduction de l’élection dans la dévolution de la couronne
Dans le but d’assurer la pérennité de leur lignée, les Pippinides, devenus Carolingiens, ont pris la précaution de faire élire et sacrer leurs fils de leur vivant. Mais cette habitude n’avait pas eu d’incidence avant la mort subite du roi Carloman en 884. De ce fait, les Grands, habituellement réduits à une approbation de la décision royale, sont devenus les vrais maîtres de l’élection royale. C’est pourquoi en 884, et de nouveau en 888, ils ont pu décider d’écarter le jeune frère de Carloman, le futur Charles III Le Simple 7, d’abord au profit d’un cousin carolingien de Germanie, Charles Le Gros, puis, en 888, d’un non carolingien, le Robertien Eudes 8. Dans ces cas, qui s’écartent de la dévolution héréditaire voire familiale, le sacre est resté un moyen de légitimation. En se perpétuant, le pouvoir des Grands sur l’élection a produit une situation d’alternance entre les Carolingiens et la famille des Robertiens.
Lothaire a cependant essayé de revenir à une tradition dynastique en faisant élire et sacrer son fils aîné, Louis V, de son vivant. L’opération a bien fonctionné en 986, mais la mort accidentelle du jeune roi, dès 987, alors que sa succession n’a pas été préparée, permet aux Grands de récupérer la conduite de l’élection royale. Ils ont alors le choix entre un héritier carolingien très discuté, Charles de Basse Lorraine, et un Robertien, le puissant duc de France Hugues Capet. Celui-ci l’emporte grâce à l’influence de l’archevêque de Reims, Adalbéron, brouillé avec les Carolingiens, qui professe hautement que la monarchie est élective.

La Couronne comme fonction
Cette prise de position fait penser que les grands espèrent sans doute continuer le jeu de l’alternance. Mais, dès 987, Hugues, prétextant un appel à l’aide d’un vassal lointain, le comte de Barcelone, fait élire Robert, son fils, comme roi associé. Ses descendants, que les historiens dénommeront Capétiens, vont continuer sur cette lancée, et ils auront la chance (certains parlent de « miracle capétien ») d’avoir toujours un fils pour succéder jusqu’en 1316.
L’élu, le premier à porter les armes
Aux XIe et XIIe siècles, la royauté reste théoriquement élective mais d’une part il n’y a plus de compétition, puisque la famille carolingienne disparaît en ligne mâle, et d’autre part chaque roi prend la précaution de faire élire son fils de son vivant. L’empirisme aidant, l’on élit le premier à porter les armes, c’est-à-dire l’aîné, ce qui aboutit à poser une règle de primogéniture 9.
Mise en place de l’hérédité coutumière
Et l’empirisme va aussi aboutir à concilier deux institutions apparemment antagonistes, l’élection et l’hérédité : la désignation anticipée du futur roi, son association au pouvoir de son père et son sacre anticipé vont constituer une passerelle entre la monarchie élective et monarchie héréditaire. L’importance accordée à la coutume au Moyen Âge fera le reste : l’en vient à considérer que les rois se succèdent héréditairement dans la lignée capétienne. Et, quoique Philippe Auguste n’ait pas jugé utile d’associer son fils au trône de son vivant, Louis VIII lui succède sans difficulté à sa mort, et l’hérédité de la couronne ne sera plus discutée.
La « découverte » de la Loi Salique (1350)
Cependant la solidité de l’institution royale allait être éprouvée lors d’une série de successions difficiles entre 1316 et 1328.
En effet, en 1316, le roi Louis X le Hutin, encore jeune, meurt subitement, laissant une fille d’un premier mariage, à la légitimité discutée 10, et une seconde épouse enceinte. La direction du royaume est confiée à Philippe, comte de Poitiers, aîné des frères survivants de Louis X.
Quant à l’identité du Roi, elle ne peut être déterminée avant la délivrance de la reine. L’on décide que si l’enfant à naître est un mâle, il sera roi. Si c’est une fille, la solution n’est pas arrêtée à l’avance 11.
Au final, l’enfant posthume s’avère être un garçon, connu par les historiens sous le nom de Jean Ier. Mais celui-ci ne vit que quelques jours 12. À sa mort, Philippe, qui est déjà le maître du royaume, fait preuve de décision 13 : il s’empare de la couronne, au détriment de sa nièce. Quand il meurt à son tour sans laisser de fils, en 1322, son frère Charles fait de même et s’impose au détriment des filles de ses deux frères. Ces deux précédents suffisent pour prétendre désormais qu’il existe une coutume qui écarte les femmes de la couronne de France.
Ce n’est que par la suite, mais beaucoup plus tard, vers 1350, qu’un moine savant, Robert le Scot, appuiera cette exclusion sur l’ancienne loi des Francs saliens ou « loi salique » qui excluait les femmes de la succession à la terre. Raisonnement habile qui invoquait une loi datant des origines de la monarchie – on la faisait remonter au légendaire roi Pharamond, ancêtre de Clovis – mais sortie de l’usage depuis des siècles. Il n’importe : l’explication remporte un grand succès.
Aux origines de la « Guerre de Cent Ans »(1337-1453)
En attendant, la question de l’attribution de la succession s’est de nouveau posée en 1328, au décès de Charles IV qui ne laissait lui aussi que des filles 14, exclues en vertu de la coutume de masculinité dégagée au cours des années précédentes. Deux princes étaient sur les rangs : son cousin germain Philippe, comte de Valois, qui, au surplus, était déjà investi de la régence, et le neveu de Charles IV, par sa sœur, Edouard III, roi d’Angleterre.

Les légistes anglais soutenaient qu’une femme, même si elle ne pouvait régner en France, pouvait néanmoins « faire le pont et la planche ». Mais les Français, sans doute peu désireux d’être supplantés par l’entourage du souverain d’outre-manche, répliquèrent que « femme et par conséquent son fils ne peut succéder au royaume de France. » Philippe de Valois devint donc le roi Philippe VI.
Après s’être incliné dans un premier temps, Édouard III décida de revendiquer la couronne de France – c’est l’origine de la Guerre dite de Cent Ans (en fait un peu plus d’un siècle d’affrontement et de trêves) – mais il n’arriva pas, malgré ses succès militaires, à récupérer le trône de ses ancêtres capétiens. Il accepta même un temps de renoncer à ses prétentions, en échange de concessions territoriales, au traité de Brétigny (1360).
A partir du premier tiers du XIVe siècle, la succession à la couronne de France obéit donc à des règles définies : elle se transmet de mâle en mâle par ordre de primogéniture, à l’exclusion des femmes et de leurs descendants. Ces principes vont être complétés au cours des siècles suivants.
II – La distinction du Roi et de la Couronne
La pensée politique s’était beaucoup affinée au cours des siècles. Alors que, sous les Mérovingiens, le royaume apparaissait comme un patrimoine, l’on en est venu dès l’époque carolingienne à considérer que la royauté était une fonction 15. En conséquence la couronne est désormais perçue comme un être moral distinct de la personne du roi dont et que sa dévolution obéit à des lois et non aux caprices des hommes : c’est l’indisponibilité. Il s’ensuit que les biens et les droits attachés à cette couronne sont soumis à un statut à part qui les distingue des biens ordinaires : c’est l’inaliénabilité
Indisponibilité (1419)

Le roi Charles VI étant atteint de folie, d’ailleurs à éclipses, les princes de son entourage se disputent le pouvoir. Comble de malheur, le roi d’Angleterre Henri V profite des embarras du royaume pour reprendre la guerre et débarquer en France. Finalement une partie de l’entourage royal croit trouver une solution dans la fusion du royaume avec celui d’Angleterre : c’est le traité de Troyes (1420), généralement qualifié de « honteux. » En vertu de cet accord Charles VI évince son fils, le « prétendu dauphin », au profit de son gendre, Henri V ; à la mort de son beau-père, Henri devrait réunir les deux couronnes sur sa tête.
Mais, dès 1419, un juriste, Jean de Terrevermeille, écrit des Tractatus pour défendre les droits du dauphin Charles, héritier de la couronne de France évincé par le mauvais traité. Cet auteur rappelle que la royauté et une fonction et non un patrimoine, et une fonction régie par une loi que le Roi régnant n’a pas le pouvoir de changer. C’est cette loi qui appelle un héritier déterminé à recueillir la couronne. En conséquence le roi, qui n’est que le dépositaire de la couronne pendant la durée de son règne, ne peut en disposer pour l’avenir. Il ne peut donc exclure un héritier, ou lui en substituer un autre. Il ne peut même pas abdiquer lui-même, en principe. De même un héritier potentiel ne peut souscrire une renonciation anticipée. En quelque sorte c’est le Roi qui est à la couronne et non la couronne qui est au Roi. Cette règle d’indisponibilité, qui signifie que chaque roi doit sa couronne à la coutume, et non à son prédécesseur, pose problème en matière de continuité : tout avènement d’un nouveau Roi étant un recommencement, pourrait-on en déduire que les traités conclus, les lois promulguées, les fonctions conférées et les dettes contractées sous le précédent règne sont caducs ? Désireux d’éviter les effets fâcheux d’un tel raisonnement, les juristes feront triompher la continuité d’un règne à l’autre, à des dates différentes selon les questions envisagées 16. L’analyse de Terrevermeille va servir à légitimer le refus du traité de Troyes. Certes, dans un premier temps, après la mort de Charles VI en 1422, la double monarchie franco-anglaise, incarnée par un enfant en bas âge, Henri VI d’Angleterre, petit-fils de Charles VI, se met en place et régit effectivement la partie nord de la France pendant quelques années. Mais cette construction va s’avérer éphémère. Galvanisé par Jeanne d’Arc, l’héritier légitime, Charles VII, replié au sud de la Loire, va se faire sacrer à Reims en 1429, et rendre son indépendance au royaume de France reconquis.
Un corollaire : l’inaliénabilité du domaine (1566)
Le principe de l’indisponibilité de la couronne a un corollaire : de même que le Roi ne peut céder sa couronne en son entier, il n’a pas la possibilité de disposer des biens et droits qui en dépendent. L’adoption d’une telle règle est souhaitée par les sujets qui craignent, si le Roi s’appauvrit, de payer plus d’impôts.
Les juristes illustrent le principe d’inaliénabilité du domaine par une analogie symbolisée par l’anneau royal, à savoir le mariage mystique du Roi et de cet être moral qu’est la couronne. En droit privé, à l’époque, lorsqu’une femme recevait une dot lors de son mariage, le mari administrait cette dot et en percevait les fruits, mais il ne pouvait l’aliéner. De même les biens et droits dépendant de la couronne constituent en quelque sorte sa dot, dont le Roi est l’administrateur : Il en perçoit les fruits, mais ne peut en aliéner aucun élément. L’inaliénabilité du domaine de la couronne sera solennellement consacrée par un édit de Moulins de février 1566, qui sert encore actuellement de fondement à l’inaliénabilité du domaine public. Cependant, à l’époque moderne, les lois fondamentales vont connaître quelques vicissitudes. Complétée par la catholicité à l’issue des guerres de religion, la loi de succession va subir des atteintes au cours du règne de Louis XIV.
III – Achèvement et contestation des lois fondamentales

Aux XVIe et XVIIe siècles les évènements politiques mettent en discussion, voire en péril, les lois fondamentales. En fin de compte elles vont être réaffirmées et précisées.
Principe de Catholicité (1588)
Le caractère catholique de la monarchie remontait au baptême de Clovis (496) et au sacre de Pépin (751). A partir de ce dernier, tous les rois sont sacrés 17. Par ailleurs, au XIIIe siècle, l’on ajoute au serment du sacre l’engagement de combattre les hérétiques. Cette catholicité de l’institution royale semblait donc aller de soi et il n’avait jamais été jugé nécessaire de la proclamer. Néanmoins, au XVIe siècle, il en va autrement avec la Réforme et l’irruption du protestantisme que certains monarques européens imposent à leur peuple 18. La question se pose effectivement à partir de 1584 19 le plus proche héritier du roi Henri III, qui n’a pas d’enfant, étant son très lointain cousin (du fait de saint Louis, mort en 1270), le roi Henri de Navarre. Sous la pression des catholiques, regroupées au sein d’une puissante ligue, Henri III proclame, en 1588, l’édit d’Union qui fait de la catholicité du Roi une loi fondamentale et exclut tout prince protestant, donc Henri de Navarre, de la succession à la couronne.
Néanmoins, en 1589, Henri III, frappé par le poignard d’un assassin et mourant, reconnaît son cousin comme son héritier 20. Mais la situation est bloquée : Henri IV ne réussit pas à s’imposer face à des catholiques qui cherchent un autre roi, et de ce faite la guerre civile fait rage. Se mettant en travers des intrigues, le 28 juin 1593, le Parlement de Paris, principal tribunal du royaume, rappelle par une décision célèbre dite « arrêt de la loi salique » à la fois le principe suivant lequel le Roi de France doit être catholique et la nécessité de respecter les règles de dévolution. Ces exigences représenteraient une quadrature du cercle, si Henri de Navarre ne se décidait pas à réconcilier les deux principes en plusieurs étapes 21 : l’abjuration du protestantisme en 1593 22, le sacre par des évêques ralliés à sa cause en 1594 23, et le pardon pontifical obtenu finalement en 1595 24.
Par la suite, le principe de catholicité des rois de France n’a jamais été remis en question. En revanche l’indisponibilité, principe hérité du Moyen Age et apparemment bien établi, va faire l’objet de plusieurs attaques. Si celles-ci sont liées à la situation diplomatique dans un cas -la succession d’Espagne- elles sont aussi le reflet du volontarisme lié à l’absolutisme dans les deux autres.
Les vicissitudes de l’indisponibilité sous Louis XIV
À trois reprises l’indisponibilité a été éprouvée sous Louis XIV. Tout d’abord, accord passé avec le duc Charles IV de Lorraine en 1662, le traité de Montmartre, prévoyait une succession mutuelle entre les Lorraine et les Bourbon 25. Ce traité suscita une forte opposition en Lorraine, et il ne fut pas exécuté, à l’exclusion de la cession de la ville de Marsal 26.

Plus importante est la querelle de la succession d’Espagne 27. En effet le testament du roi Charles II appelle à lui succéder à sa mort (1700) dans toutes les possessions espagnoles (Espagne, Pays-Bas, Amérique, Philippines…) son petit neveu Philippe, duc d’Anjou, (ci-contre) qui est en même temps le deuxième petit-fils de Louis XIV. Cependant plusieurs souverains d’Europe veulent écarter la possibilité d’une union sur la même tête des couronnes de France et d’Espagne 28.
Il s’ensuit une guerre de succession d’Espagne très difficile pour la France. Finalement, en 1713, les belligérants exténués signent le traité d’Utrecht. Pour calmer les craintes des adversaires de la France, Philippe V est obligé de renoncer pour lui-même et sa descendance à ses droits à la couronne de France. Les contemporains sont bien conscients de la nullité des renonciations par rapport au droit dynastiques français 29. Cependant toutes les parties considèrent qu’il s’agit là d’un expédient. L’on espère que la branche aînée – étant donné que Philippe V est un cadet – se perpétuera en France et que la question de succession ne sera pas posée. Pour le reste, les belligérants, qui savent que maintes renonciations ont été précédemment remises en cause, s’en remettent à l’avenir en estimant que, le cas échéant, la force permettrait de trancher la question de droit.
Cette question des renonciations est au cœur de la controverse entre les légitimistes et les orléanistes, ces derniers rejoints par les partisans d’une réunion à tout prix des royalistes, les fusionnistes, après 1883 30 : En effet, si l’on considère que les renonciations sont nulles, les nombreux princes issus de Philippe V d’Espagne restent dynastes en France, à commencer par le duc d’Anjou. En revanche, si l’on admet les renonciations, la couronne revient à la famille d’Orléans.
L’on mentionnera encore un autre incident relatif à l’indisponibilité qui a eu lieu sous Louis XIV et Louis XV. En effet, au cours des dernières années du règne du Roi Soleil, divers princes de la famille royale sont décédés. Pour 1714, l’on a pu parler de « l’année des quatre dauphins. » Sans doute inquiet de cette diminution en nombre de sa postérité légitime, Louis XIV décide par un édit de juillet 1714 de légitimer ses deux fils adultérins et de les habiliter à succéder à la couronne à défaut d’héritiers légitimes.
C’est une mesure tout à fait surprenante dans un pays chrétien, alors même que les enfants illégitimes sont exclus de la succession royale depuis l’époque carolingienne ! Si bien que, après la mort de Louis XIV (1715), se produit une réaction qui aboutit à la révocation des dispositions prises par le Roi par un édit de 1717. Le texte précise que, le Roi étant dans une « heureuse impuissance » de modifier la succession à la couronne, ce serait à la Nation – ce que l’on interprète généralement par le recours aux États généraux – de remédier à une extinction de la Famille royale. L’on observera au passage que, si, en 1717, le Roi constatait son « heureuse impuissance » à modifier les règles de succession, l’on peut penser qu’il ne pouvait pas davantage le faire en 1713, à l’époque du traité d’Utrecht…
En résumé, l’édifice des lois fondamentales a semblé achevé à la fin du Moyen Âge. Même si le principe de catholicité n’a été proclamé que plus tard, il n’était pas une nouveauté : il s’agissait d’une règle préexistante, quoiqu’implicite. Pour le reste, l’on peut considérer que les tentatives de modification de l’époque moderne n’ont pas abouti. Après avoir tenté d’assouplir l’indisponibilité, le pouvoir absolu lui-même a dû constater son « heureuse impuissance » en la matière.
En conclusion

Garant de la tradition héraldique
Chromolithographie de 1890
france-pittoresque.com
La coutume successorale française a permis de déterminer sans discussion l’héritier de la couronne. Comme l’écrivait le professeur Olivier Martin : « Au XVIIe siècle, les règles de dévolution de la couronne sont absolument fixées. La France est l’un des rares pays de l’Europe où ne règne aucune ambiguïté sur ce point. Cette certitude rend vain chez les collatéraux tout calcul ambitieux. » En principe, les lois fondamentales n’ont pas bougé depuis l’Ancien Régime 31 et les changements de régime survenus depuis 1789, analysables comme des suspensions de la fonction royale, sont en principe sans incidence sur elles, en dehors du fait qu’ils en bloquent l’évolution. L’existence des renonciations d’Utrecht a cependant affaibli le mécanisme de désignation indiscutable qui résulte normalement des lois fondamentales, en étant à l’origine de l’éclosion de la controverse entre les légitimistes et les orléanistes fusionnistes qui s’est produite après la mort du Comte de Chambord, en 1883.
A cette date la France était en République et, du côté royaliste, une éclipse juridique de la connaissance des droits français des Bourbons d’Espagne, descendants de Philippe V, s’était produite, les intéressés eux-mêmes ne semblant guère s’en soucier. L’occasion a donc paru favorable aux politiques qui désiraient unir les forces des anciens légitimistes et des orléanistes afin d’appuyer l’accession au trône du chef des Orléans. Néanmoins les fusionnistes n’ont pas réussi à instaurer la « monarchie facile » qu’ils espéraient, et la revendication du droit intangible des aînés a connu un réveil au cours du XXe siècle, tout d’abord, au cours des premières décennies, à travers le travail des facultés de droit, puis, après la Seconde Guerre Mondiale, avec un renouveau des revendications dynastiques des Bourbon-Anjou, incarnés par une nouvelle branche depuis 1936 32. Retrouvant ses fondements historiques, le courant légitimiste a refait surface et retrouvé jusqu’à nos jours sa vocation d’incarner la tradition contre-révolutionnaire de la France.
- Faisant contraste avec cette vision traditionnelle, l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen stipule : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminés, n’a point de constitution. » Cependant dès cette époque certains, comme le juriste Jacob Nicolas Moreau, faisaient remarquer qu’il était paradoxal de prétendre qu’un édifice comme la France d’Ancien Régime n’avait pas de constitution. ↩︎
- Sur les lois fondamentales, l’on pourra se reporter, outre les divers traités et manuels d’histoire des institutions publiques, l’ouvrage fondamental de Guy AUGÉ, Succession de France et règle de nationalité, Paris, La Légitimité-DUC, 1979, et réédition Le Chesnay, Via Romana, 2021, et une synthèse très claire : Jean BARBEY, Frédéric BLUCHE et Stéphane RIALS, Lois fondamentales et Succession de France, Paris, DUC, 1984. ↩︎
- De même, encore à notre époque, la Grande-Bretagne n’a pas, à part quelques textes erratiques, de constitution écrite. ↩︎
- Seuls des aménagements marginaux, et qui ne se s’opposaient pas frontalement aux principes admis, étaient possibles. Par exemple l’on a admis depuis la mort de Louis XIV que l’État était tenu des dettes du précédent Roi, ce qui constituait un aménagement du principe d’indisponibilité qui « isolait » chaque règne du précédent. De même, pour tourner les inconvénients de l’impossibilité d’abdiquer, qui résulte de ce même principe d’indisponibilité, si le besoin s’en faisait sentir pourrait-on envisager une association au trône du fils du roi, solution qui a existé au temps des premiers Capétiens… De même encore, alors que, sous l’Ancien Régime, le domaine royal et les biens du roi ont été confondus, l’on pourrait envisager, en cas de restauration, que le roi ait un domaine privé (c’est-à-dire des biens qui peuvent être gérés selon les lois ordinaires de la propriété, comme en ont, par exemple, les communes). ↩︎
- Il s’agit du Roi Childéric III, que Pépin et son frère Carloman avaient précédemment sorti d’un monastère pour le hisser sur le trône, et de son jeune fils Thierry. Ils sont assignés à résidence dans des monastères. L’on ne possède pas de détails sur leur disparition, mais rien ne permet de penser qu’elle n’ait pas été naturelle. L’on précisera que des parentés féminines et des alliances existaient sans doute entre la famille mérovingienne et ses successeurs carolingiens. Cependant ces rattachements, du fait de cadets ou de parentés féminines, ne faisaient pas pour autant des nouveaux souverains les héritiers normaux des anciens. ↩︎
- Cette cérémonie est une reprise en contexte chrétien du rite de consécration des rois juifs que l’on trouve dans l’Ancien Testament. Il y a quelques précédents ou parallèles chez les Wisigoths et les Anglo-Saxons à la même époque. Certains prétendent que des sacres auraient eu lieu à l’époque mérovingienne, mais la chose n’est pas démontrée. En revanche, il est certain que le souvenir du baptême de Clovis à Reims s’est mêlé très tôt à la conception du sacre. ↩︎
- La situation du jeune Charles était délicate : il n’était pas encore né quand se produisit la mort de son père Louis le Bègue, en 879, et ses deux frères aînés, Louis III et Carloman, n’attendirent pas sa naissance pour se partager la succession royale. Par ailleurs, et alors que le royaume vivait sous la menace normande, il était encore très jeune lors des vacances du trône de 884 et 888, et il fut donc écarté. Par la suite, ayant atteint l’âge d’homme, il bénéficia probablement d’un réflexe légitimiste en face du roi Eudes, et put se faire reconnaître comme le futur successeur de celui-ci. ↩︎
- L’on appelle Robertiens les membres d’un grand lignage de comtes et de ducs issus de Robert le Fort (vers 800–866), comte d’Angers et de Tours mort au combat contre les Normands. Ce sont les ancêtres des Capétiens. ↩︎
- Cette attribution de la couronne au seul aîné distingue la succession royale des successions ordinaires. On attribue ce changement par rapport à la règle des partages qui prévalaient sous les Mérovingiens et Carolingiens au passage par la monarchie élective, les grands préférant élire un seul roi. Cependant il y a lieu de nuancer : cette manière d’agir ne s’est imposée qu’après 884, les premiers Carolingiens, qui maîtrisaient l’élection, ayant généralement fait élire plusieurs fils à la fois. ↩︎
- L’épouse de Louis X, Marguerite de Bourgogne, avait été accusé d’adultère et emprisonnée. Il y avait donc des doutes sur la légitimité de la jeune Jeanne, sa fille. ↩︎
- Jusque-là, jamais une femme n’avait hérité de la couronne, mais l’on pouvait se demander si cela était possible par analogie avec ce qui s’était passé dans certains grands fiefs (Aquitaine, Champagne, Artois…) ou dans des royaumes étrangers (Navarre…) Par ailleurs, dans l’hypothèse d’une naissance féminine, était-ce cette fille ou Jeanne, sa demi-sœur aînée à la légitimité discutée, qui devait régner ? ↩︎
- Une thèse romanesque, popularisée notamment par la célèbre série des « rois maudits » de Maurice Druon, prétend que l’enfant roi visé par un complot, aurait survécu au prix d’une substitution… Cette rumeur manque de preuves solides et l’on peut y voir l’un des avatars du mythe bien connu du « roi caché. » ↩︎
- C’est le roi Philippe V le Long. Par la suite Jeanne épousera un parent capétien, le comte Philippe d’Évreux, et elle récupérera l’héritage de sa grand-mère paternelle, Jeanne de Champagne, à savoir la couronne de Navarre (elle sera ainsi une ancêtre d’Henri IV) et une indemnité pour les importants fiefs français conservés par les rois qui ont succédé à son père, comme la Champagne. Cependant son fils, Charles le Mauvais, contestera toujours son éviction de la couronne de France. Si les descendants par les femmes avaient pu régner, il aurait même eu des droits supérieurs à ceux d’Edouard III. ↩︎
- A sa mort, Charles IV laissait une fille, exclue de la succession à la couronne, et une épouse enceinte. La France a donc connu un interrègne, comme en 1316, dans l’attente de la délivrance de la reine, Philippe de Valois fut régent et exerça le pouvoir. L’enfant étant de nouveau une fille, la question de la royauté fut de nouveau posée. ↩︎
- L’on peut opposer la conception « ministérielle » du pouvoir suprême à la conception patrimoniale. La première s’inspire du précédent romain, de la res publica dont l’Empereur est le gardien (même si certains empereurs, et pas seulement au Bas-Empire, ont tendance à traiter l’État comme un patrimoine). À l’époque carolingienne se développe l’idée de ministerium regis, présentée par les auteurs chrétiens. Par ailleurs la féodalité, en faisant du seigneur le titulaire de prérogatives, mais aussi corrélativement le débiteur d’obligations, renforce cette conception « ministérielle » du pouvoir. Cf. à ce propos la thèse fondamentale de Jean BARBEY, La fonction royale. Essence et légitimité d’après les Tractatus de Jean de Terre Vermeille, Paris, NEL, 1983. ↩︎
- Il va de soi que, en cas d’incapacité, des mécanismes de suppléance (association au trône, régence, délégation de pouvoir…) seraient possibles. ↩︎
- Chez les Capétiens l’on ne comptera que trois exceptions : au Moyen Âge, Jean Ier, mort quelques jours après sa naissance, puis sous la Révolution, Louis XVII le Roi enfant captif au temple, et enfin, du fait des événements qui ont retardé son accession effective au pouvoir, Louis XVIII. ↩︎
- A la différence des hérésies médiévales, qui n’ont pas réussi à s’emparer durablement de territoires importants, le protestantisme tend à s’appuyer sur des pouvoirs temporels. En particulier, plusieurs souverains, en Allemagne et en Angleterre, passent à la Réforme, ce qui se traduit pour les peuples de ces pays par la soumission violente au protestantisme au détriment du catholicisme. Le fait que chaque prince impose sa religion à ses sujets (principe « cujus regio, ejus religio ») explique l’acharnement des luttes religieuses. ↩︎
- Date de la mort de François d’Alençon, dernier frère d’Henri III. ↩︎
- Il s’agit d’une reconnaissance, non d’une désignation qui excéderait les droits du Roi et violerait l’indisponibilité. ↩︎
- Par ailleurs, Henri IV saura obtenir le ralliement de ses adversaires ligueurs au prix de la concession d’avantages divers. ↩︎
- Il accorde néanmoins aux protestants d’importantes garanties de tolérance, dont la plus célèbre est l’édit de Nantes (1598). ↩︎
- Les ligueurs catholiques tenant Reims, Henri IV sera sacré à Chartres. ↩︎
- Ce pardon était difficile à obtenir. En effet, l’abjuration d’Henri IV était son quatrième changement de religion ! ↩︎
- En fait il était prévu que Louis XIV hériterait de la Lorraine à la mort du duc régnant Charles IV, au détriment des parents de celui-ci. En contrepartie les membres de la famille de Lorraine devenaient successibles en France à défaut des Bourbons. ↩︎
- En France le traité de Montmartre fut contesté par la famille de Courtenay (une branche des Capétiens directs subsistante qui s’éteindra dans les mâles au début du XVIIIe siècle). Cette protestation illustre le fait que la vocation successorale des princes capétiens s’étend à l’infini et n’est pas limitée par l’ancienneté ou le degré. ↩︎
- Descendant de Charles Quint, Charles II d’Espagne appartient à la dynastie des Habsbourg qui règne aussi en Autriche et dans l’Empire. De cette famille venaient également Anne d’Autriche, épouse de Louis XIII, et Marie-Thérèse, demi-sœur de Charles II et épouse de Louis XIV. Lorsque ces princesses sont devenues reines de France, elles ont dû renoncer à leurs droits éventuels à la couronne d’Espagne, mais les renonciations sont un type d’acte fragile et susceptible d’être remis en cause. C’est d’ailleurs ce que fait Charles II en appelant son petit neveu Philippe d’Anjou à lui succéder. Il prévoit néanmoins que, en cas de refus, la couronne espagnole reviendrait à un Habsbourg d’Autriche. ↩︎
- Le choix de Charles II en faveur du deuxième petit-fils de Louis XIV et non du premier reflète la même préoccupation. ↩︎
- L’on observera que, si l’on admet les renonciations, l’on ne peut plus tenir la couronne pour indisponible. ↩︎
- Sur cette question, l’on pourra consulter notamment Guy. AUGÉ, Les Blancs d’Espagne, Paris, Association des Amis de Guy Augé-La Légitimité, 1994. ; et notre étude : La controverse royale en France : Blancs d’Espagne et Blancs d’Eu, in La controverse. Etudes d’histoire de l’argumentation juridique, Actes des journées internationales de la Société d’Histoire du Droit de Rennes (2015), Société de Législation Comparée, 2019. ↩︎
- La constitution de 1791 établissant une monarchie constitutionnelle a prétendu codifier la loi de succession. Elle l’a fait en général dans un sens traditionnel. Les quelques modifications introduites par elle (cas d’abdication automatique…) ont été sans lendemain. Quant à la charte de 1814, elle n’a pas évoqué les règles de succession, les laissant inscrites « ès cœur des Français. » La tentative d’abdication de Charles X en 1830, jugés irrégulière par les spécialistes des institutions, n’a, de ce fait, nullement modifié les lois fondamentales. L’on ajoutera que cette abdication était conditionnelle et que la condition – l’accession au trône du duc de Bordeaux, petit-fils du roi – n’ayant pas été remplie, il s’agit d’un acte mort-né. ↩︎
- De 1883 à 1936 la branche aînée des Bourbons, à la fois en Espagne en France. a été la branche carliste (cf. l’étude sur le Carlisme qui figure sur ce site) L’aînesse est passée ensuite, pour les deux pays, à l’ancien roi d’Espagne Alphonse XIII (qui ne régnait plus outre Pyrénées depuis 1931). À sa mort, en 1941, les deux successions jusque-là entremêlées ont été séparées : l’aîné de ses fils, Jacques-Henri, duc de Ségovie, qui avait renoncé à ses droits sur l’Espagne, a pu réclamer le trône de France et prendre le titre de duc d’Anjou, tandis que le cadet, Jean, comte de Barcelone, prétendait à la couronne d’Espagne. ↩︎