De la Permanence du Principe monarchique dans la Pensée contre-révolutionnaire française

« Lame de France » remercie d’abord chaleureusement le professeur Bouscau d’avoir accepté de nous faire bénéficier de sa science de juriste et d’universitaire, concernant les institutions monarchiques et le droit royal français. C’est le premier article de sa main que nous publions ici avec plaisir.
 Sa dernière partie concernant la Survivance (de Louis XVII) est la plus délicate pour nous : il est toujours difficile de critiquer un ami. Sur la question dynastique, alors que le professeur est de sensibilité légitimiste blanc d’Espagne, l’auteur de ces lignes persiste dans son obstination survivantiste… Avec Me Bouscau, nous avons discuté souvent de nos divergences respectives. Il est normal à nos yeux que le professeur Bouscau ait abordé la Survivance de manière éclairée, d’un point de vue différent. Nous le remercions d’avoir compris la nécessité d’exposer, à la suite de son texte (précédant son abondante bibliographie et les notes) une ultime partie intitulée « Objections respectueuses d’un royaliste survivantiste ».

Le sujet est très vaste. Pour la clarté du raisonnement, j’ai volontairement laissé de côté les organisations et la presse royalistes, qui seront traités ailleurs sur ce site. Je développerai ici les points suivants :
– L’idée monarchique a toujours été présente chez les contre-révolutionnaires français.
– La Contre-Révolution française a toujours été plus ou moins monarchique. Les contre-
révolutionnaires en France ont toujours été historiquement plutôt monarchistes parce que la monarchie est le meilleur des gouvernements en soi, ce que démontre admirablement le livre de saint Thomas d’Aquin, « De Regno ».

Restent deux questions qui divisent : Quel roi les monarchistes français veulent-ils ? Quel type de monarchie les contre-révolutionnaires veulent-ils voir restaurer ?

Monarchie et Contre-Révolution

Prince de Talmont

L’un des effets les plus voyants de la Révolution de 1789 a été le renversement (opéré trois ans plus tard), de la Royauté française, dont l’origine remontait à Clovis. Treize siècles de continuité royale se trouvaient remis en cause. Il était donc logique que ceux qui s’opposaient à cette Révolution (que ce soit pour des raisons politiques – le refus du nouveau régime républicain- pour des raisons religieuses -résister à la déchristianisation voulue officiellement- ou pour des raisons personnelles), tentassent de se rattacher à l’Ancien régime donc à la monarchie.

Observons au passage que le royalisme est né de la Révolution. Dans le passé, il n’y avait de partis politiques -Armagnacs et Bourguignons, parti protestant et Ligue- que lors des périodes d’affaiblissement de la royauté. Mais, dès lors que la royauté était forte, il n’y avait plus de partis, même royalistes. Le mot existait déjà, bien sûr, comme dans la chanson qui a été faite à la mort d’Henri III : « Pleurez, pleurez, tous braves royalistes, et vous aussi que l’on dit politiques… », mais cet exemple concerne justement une période de guerre civile et d’affaiblissement.

En temps normal, la royauté paraissait tout simplement le régime politique naturel de la France. Même Robespierre, en 1789, l’acceptait. Donc, nouveauté : à partir de la Révolution vont naître des mouvements royalistes.

Le Canard Enchainé

Étymologiquement, « monarchie » vient des mots grecs « monos » (un seul) et « arkhein » (gouverner). C’est donc le gouvernement d’un seul par opposition à l’aristocratie, gouvernement des meilleurs, gouvernement d’une élite, d’un petit nombre, ou à la démocratie, gouvernement du peuple, du démos. C’est l’un des trois modes de gouvernement classiques distingués par les Grecs. La monarchie est donc la revendication du pouvoir pour un seul. Ceci étant dit, je ne donnerai dans cet article qu’une acception plus limitée au terme.

En effet, tout pouvoir incarné par une seule personne pourrait être tenu pour monarchique (et l’est effectivement, monarchique, d’une certaine façon). L’on sait par exemple que la constitution de 1958, faite pour le général De Gaulle, a accordé au président de la République une puissance considérable. D’ailleurs le « Canard enchaîné », par exemple, a très souvent caricaturé le Général sous l’apparence de Louis XIV (voir à ce propos la chronique amusante « La Cour »). Périodiquement, tous les présidents de la République, jusqu’à l’actuel, ont été accusés de dérive monarchique. Certains, même des constitutionnalistes sérieux, voient dans la Vème république un principat comme à Rome ou une monarchie élective. Donc, le fait de parler de monarchie n’impliquerait pas une monarchie héréditaire. Je m’y tiendrai cependant, ne serait-ce que parce que la pensée contre-révolutionnaire française ne s’est pas attachée à se situer dans le cadre d’une forme républicaine fût-elle autoritaire comme la Vème République. Donc, même s’il y a une monarchie républicaine, nous l’écarterons comme n’étant pas notre sujet.
 
L’on écartera aussi une autre pensée politique voisine, mais distincte du sujet, à savoir le Bonapartisme. L’empire napoléonien est indiscutablement une forme monarchique de pouvoir. En outre, il a incorporé la dimension héréditaire et l’a même décalquée tout à fait par rapport aux anciens rois, par exemple en excluant les femmes de la succession. Néanmoins, la place du bonapartisme est particulière. Sa doctrine est ambiguë : ainsi, assume-t-il sans se forcer une part importante de l’héritage révolutionnaire. Cela ne veut pas dire pour autant que des contre-révolutionnaires n’ont pas pu flirter avec ces idées, voire faire fond sur la « quatrième dynastie. » Mais, au-delà du bonapartisme dynastique, mentionné pour mémoire – actuellement, il n’a plus beaucoup de consistance – il y a un tempérament politique bonapartiste persistant, ou plutôt récurrent, qui est spécifique, et c’est ce tempérament, assez répandu dans le milieu contre-révolutionnaire, qui l’éloigne de notre sujet. Maurras a dit : « La France n’est ni royaliste, ni républicaine, elle est poignarde. » Le pays aime la poigne et donc, de temps en temps, ressent un besoin de reprise en main. Ce courant bonapartiste non dynastique, par son goût de l’autorité, par son pragmatisme, est très présent dans les milieux nationaux (et au-delà), et il fait des résurgences périodiques : le Boulangisme, le Front National, en passant par le soutien au Maréchal Pétain et même, par certains côtés, au Général de Gaulle. Mais, ce courant– dans la typologie politique – il faut classer les courants de pensée comme un entomologiste classe les espèces d’insectes- serait plus proche du fascisme (mot utilisé ici sans connotation favorable ou péjorative) que de la contre-révolution, ou encore plus proche du despotisme éclairé des rois du XVIIIème siècle, que de l’ancienne monarchie.
Nous entendrons donc principe monarchique, dans un sens plus étroit mais plus précis : attachement à l’institution, au gouvernement de la royauté française. Précision utile : les mots « monarchie » et « royauté » ne sont pas tout-à-fait synonymes : la monarchie, gouvernement d’un seul, est un régime politique tandis que la royauté, est une institution. Dans une monarchie, le « monos », le roi ou l’empereur est souverain. Dans une royauté, il peut être souverain mais il peut ne pas l’être. Le roi des Belges est un roi, ce n’est pas un monarque (on l’a vu quand il a dû se mettre en congé pour éviter d’accepter une loi sur l’avortement qu’il réprouvait personnellement mais que les représentants supposés du peuple belge avaient votée). Donc la royauté est un État, qui a un roi à sa tête, même si sa puissance est très limitée. Mais une royauté peut aussi être une monarchie, et tel était le cas dans la France d’Ancien Régime, et même sous la Restauration. Il n’y a que le règne de Louis XVI après 1789, et celui de Louis-Philippe, qui fassent exception, en raison de la souveraineté nationale proclamée.
 
L’autre aspect du sujet : la pensée contre-révolutionnaire paraît facile à définir. La contre-révolution, c’est l’opposition – avec le mot « contre » – aux idées, aux réalisations, aux conséquences des idées de 89 et de la Révolution en général. Mais, la Révolution de 89 -la « Grande Révolution » comme disent les Allemands- a bouleversé l’ordre politique et religieux ancien. Donc, cette contre-révolution va défendre le retour à la royauté et au catholicisme. Les adversaires de la Révolution ont été divers et leurs souhaits n’ont pas toujours coïncidé.

Dès 1789, la Révolution s’attaque à ce qu’elle appelle les « aristocrates » c’est-à-dire les partisans de l’Ancien régime, qui sont d’ailleurs eux-mêmes différents : anciens privilégiés, mais aussi partisans du pouvoir absolu ou de l’ancienne organisation politique. Tel est le cas de journalistes comme Rivarol ou le directeur de « L’Ami du Roi ». Ces adversaires de l’ordre nouveau vont être rejoints par d’autres catégories, comme les monarchistes modérés, les « Feuillants », disciples de Montesquieu, qui ne s’entendent pourtant pas du tout avec les aristocrates et qui veulent une monarchie limitée. Ils sont violemment écartés du pouvoir après la chute de la royauté en 1792.

Il ne faut pas non plus oublier que, comme la Révolution, la contre-révolution a aussi eu très tôt une dimension populaire, en particulier dans l’Ouest. Les paysans de la Vendée, les chouans de la Bretagne vont rejoindre la contre-révolution en s’insurgeant pour Dieu et pour le roi. Tel sera aussi le cas des prêtres réfractaires qui refusent d’accepter la constitution civile du clergé.

Il va d’ailleurs y avoir des cassures parmi les réfractaires, car la Révolution va imposer plusieurs serments : par exemple, certains prêtres qui avaient refusé la constitution civile du clergé, accepteront de prêter  un serment de haine à la royauté en considérant qu’il s’agit cette fois uniquement de politique, alors que d’autres vont refuser car ils estimeront que les deux choses sont liées. En outre, des auteurs et des penseurs vont analyser et critiquer le cataclysme, comme l’anglais Burke puis plus tard le savoyard Joseph de Maistre ou le français Bonald. Et puis les contre-révolutionnaires seront encore parfois rejoints par des gens qui sont a priori éloignés d’eux, mais dont l’action converge parfois avec la leur, tels que les « fédéralistes », ces républicains de province qui ne se sont pas rendus compte tout de suite que la République de 92 annonçait la Terreur de 93.

Donc, au début, mouvement de réaction d’organismes agressés qui se défendent, la contre-révolution va devenir, dès l’époque de la Révolution, une notion capable d’inspirer l’action, et d’ailleurs, il y a une autre orthographe : le colonel Château-Jobert écrivait « contrerévolution » en un seul mot 1.

La persécution du catholicisme va apporter beaucoup d’eau au moulin de la contre-révolution (même s’il y a des exceptions, comme Burke, un anglais protestant). L’on sait que, en 1789, le bas clergé partageait les idées des députés du Tiers-État à l’encontre de l’Ancien Régime mais, dès 1790, quand l’Assemblée Constituante décide de transformer unilatéralement la situation de l’Église avec la constitution civile du clergé, beaucoup d’ecclésiastiques et avec eux beaucoup de fidèles se détachent de la Révolution. Il y a là un basculement énorme, le clergé a poussé en 89 à transformer les États Généraux en Assemblée Nationale Constituante, alors qu’en 90, massivement, une grande partie du clergé et de ses ouailles passent à la contre-révolution. Cela est si vrai, d’ailleurs, que le retour au calme et la pacification se feront sous le Consulat, lorsque Napoléon Bonaparte réussira à fermer la parenthèse ouverte par la constitution civile du clergé par la signature d’un nouveau concordat avec le pape. Cet acte a eu des conséquences très importantes parce que quantité de personnes précédemment marginalisées ont alors été réintégrées dans la vie de la communauté nationale, ce qui a entraîné une accalmie politique à l’intérieur, à l’époque consulaire et impériale. Mais, dans l’intervalle, la persécution anti-religieuse avait fait cadeau à la contre-révolution d’un ancrage catholique qu’elle a toujours gardé jusqu’à nos jours. La contre-révolution française a donc dès l’origine eu une teinte monarchiste et catholique et, comme on le verra, ces options de départ ont persisté chez beaucoup de contre-révolutionnaires.

Cependant, il est honnête de constater, au-delà des convergences, qu’il n’y a pas totale adéquation entre pensée monarchique et pensée contre-révolutionnaire. Pouvait-on être contre-révolutionnaire sans être monarchiste entre 1789 et 1799 ? Cela apparaissait difficile. Néanmoins, il n’y avait pas adéquation exacte entre le monarchisme et la contre-révolution. Un exemple, avec l’acte courageux de Charlotte Corday qui a tué le sanguinaire Marat. Charlotte Corday était une fédéraliste et se voulait républicaine ; néanmoins son acte est indiscutablement contre-révolutionnaire.

A partir du Consulat, certains ont tenté de s’accommoder des régimes de fait, empires ou républiques, en voulant les dissocier de leurs origines révolutionnaires.  Napoléon Ier, pour commencer, a repris lui-même un grand nombre d’institutions de l’Ancien Régime : les préfets qui ressemblent aux intendants, les tribunaux qu’il a réformés, le Conseil d’État… Il a fait la paix avec l’Église. Certains y ont vu « de la mauvaise contre-révolution » (mais l’on n’en a guère fait de bonne depuis…).
(ci-dessus : Napoléon Ier par Ingres) De même, les hommes de la Deuxième République ont essayé de libérer l’enseignement privé catholique. C’est une mesure contre-révolutionnaire. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, certains hommes de Vichy ont pris diverses mesures (retour aux provinces, retour aux corporations…) qui renouaient avec des institutions détruites par la Révolution. Il y a donc, aux marges ou même en dehors du mouvement monarchiste, des tendances et des réalisations contre-révolutionnaires qui ne sont pas négligeables. En sens inverse, certains royalistes se sont montrés accueillants à l’égard de nouveautés révolutionnaires : c’est le cas des orléanistes de la Monarchie de Juillet qui voulaient marier la carpe et le lapin, en quelque sorte, en établissant une monarchie libérale. L’on pense aussi, plus récemment, au Lys Rouge, publication royaliste de l’après-Deuxième Guerre Mondiale.  Il s’agissait en fait d’un camouflage : des royalistes ont ainsi voulu, dans le climat de la Résistance victorieuse, du tripartisme et des idées de gauche – qui n’étaient pas celles de tous les résistants, mais qui étaient celles de ceux qui étaient au pouvoir – adopter une allure supportable pour les maîtres du jour afin de pouvoir s’exprimer. Plus près de nous encore, la Nouvelle Action Française, devenue Nouvelle Action Royaliste, était un mouvement royaliste mais de moins en moins contre-révolutionnaire, et s’est parfois même située à gauche.

Il y a eu aussi, depuis le XIXe siècle, de nouvelles questions et de nouvelles doctrines, comme le libéralisme ou le socialisme, qui ont secrété, par réaction, des mouvements, qui sans être nécessairement monarchistes, sont indéniablement contre-révolutionnaires. Ces mouvements sont plus ou moins brouillés avec la démocratie, ou, au mieux, la considèrent comme un simple procédé et pas du tout comme un absolu métaphysique.

Ainsi y a-t-il des aspirations contre-révolutionnaires chez des nationalistes comme Barrès qui se défend pourtant d’être royaliste. De même, le néo-corporatisme répandu dans les milieux catholiques jusqu’à la Deuxième Guerre Mondiale (tous les néo-corporatistes n’étaient pas royalistes). De même encore, les tendances autoritaires et nationalistes – mais là, il y a un risque de « retomber » sur le bonapartisme et le boulangisme – ont abouti à la création de mouvements qui, sans être royalistes et spécifiquement catholiques, étaient au moins hostiles à certains aspects de la Révolution. Tel est le cas notamment des ligues de l’entre-deux guerre. Et, puis l’on peut penser, à l’étranger, au Portugal de Salazar, à l’Autriche de Dollfuss : il y a là des contre-révolutions sans restauration royale.

Principes républicains

Ceci dit, en France, l’attraction entre pensée contre-révolutionnaire et royalisme est très forte. Cela pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la Révolution a eu tendance à s’assimiler à la République. Encore aujourd’hui, lorsque les hommes politiques nous parlent des « principes républicains », ils visent des principes révolutionnaires comme l’égalité – qui n’est peut-être pas mauvaise en soi, d’ailleurs, mais, qui tel qu’ils la conçoivent, est un nivellement. L’assimilation des principes républicains et révolutionnaires ne va pas de soi : il y a des pays comme la Suisse où la république n’est pas synonyme de révolution.       Mais, en France, la République s’est bâtie contre les royalistes. La chose est évidente en 1792. En 1848, la République est née du renversement d’une royauté, d’ailleurs elle-même usurpatrice. Et en 1870, la République procède d’une nouvelle révolution : elle a été imposée par surprise, peut-on dire, à la place du Second Empire, régime monarchique.

Et même, cette révolution s’est faite devant l’ennemi, aspect que les républicains ont pudiquement tendance à oublier avec leurs « rues du 4 septembre » : la France subit des défaites, l’Empereur est prisonnier, et c’est le moment que l’on choisit pour proclamer la République… Les élections de 1871 ont donné aux royalistes les clés du pouvoir, mais, les royalistes, gagnés par le libéralisme, ont imprudemment prêté la main à la pérennisation du système républicain en 1875. Ils seront ensuite écartés par ledit système, puisqu’une disposition constitutionnelle prévoit même l’impossibilité de remettre en cause la forme du gouvernement : République de droit divin, d’une certaine façon. Et le mouvement révolutionnaire a repris, à froid.

Le ministère Combes fait expulser les Chartreux (1902)

L’on peut observer que le changement de régime s’est accompagné, après 1880 comme en 1792, d’une forte déchristianisation. Or, cette déchristianisation atteint un lien multiséculaire : en frappant l’autel, elle rend plus difficile le relèvement du trône. Si bien que certains contre-révolutionnaires ont conclu qu’en France la République n’est pas une forme de gouvernement mais une doctrine philosophico- politique anti-chrétienne et, seulement par voie de conséquence, anti-monarchiste.
L’on comprend dès lors qu’un mouvement contre-révolutionnaire et catholique marque de l’intérêt pour la question monarchique.

Et le royalisme cultive généralement des valeurs traditionnelles qui s’opposent aux valeurs républicaines précédemment évoquées, ce qui lui assure un certain rayonnement. Même si la restauration ne semble pas à l’ordre du jour (et l’on peut penser effectivement que c’est le cas), elle reste, en revanche, un joker politique, c’est-à-dire une carte qu’un homme politique pourrait jouer un jour. Et le modèle politique royal fait toujours rêver : il y a toujours le mystère de la monarchie, qui garde son importance. Enfin le royalisme joue parfois un rôle d’école de formation politique en raison de ses références intellectuelles. Pour étudier cette permanence de l’idée monarchique dans la pensée contre-révolutionnaire française, l’on suivra deux grands axes.
 
Tout d’abord, il conviendra de s’interroger sur la question de savoir quelle monarchie proposer, et l’on verra que là, il n’y a pas une réponse univoque. Puis nous porterons le regard sur ceux qui défendent la solution monarchique, et nous essayerons de comprendre les causes de l’émiettement des forces royalistes.


I – Quelle Royauté pour la France ?

La pensée contre-révolutionnaire du XXème siècle s’est souvent référée à la monarchie mais le concept est vaste. Historiquement, sur une quinzaine de siècles, la monarchie a varié dans son inspiration et dans ses réalisations. Envisager la restauration d’une monarchie peut donc se traduire de manière très variable. Pour essayer d’élucider ce point nous distinguerons trois étapes :

  • La monarchie d’Ancien régime, dont le modèle fait toujours rêver. Il suffit de regarder le palais de Versailles, attraction pour tous les touristes français et étrangers et même parfois vitrine de la République qui utilise parfois la Galerie des Glaces lors de circonstances solennelles. Souvent aussi, la République est installée dans les meubles et les ors des rois.
  • Les essais de constitutionnalisation de la royauté en 1789-92, sous la Restauration et sous la Monarchie de Juillet. Cela est important parce que ce sont des modèles qui se sont imposés à la réflexion des monarchistes, tout au moins au XIXème siècle. Et puis, ces modèles existent encore dans certains pays d’Europe.
  • Le projet royaliste du XXème siècle, notamment à travers Maurras, mais pas exclusivement, et ses disciples chrétiens.
La Royauté traditionnelle

Entre 496, date probable du baptême de Clovis, et 1789, la royauté a beaucoup changé. Quatorze siècles, ce n’est pas rien. Néanmoins, il y a une continuité attestée par le sacre, qui est connue, avec certitude, depuis 751, depuis les premiers Carolingiens 2 et aussi par l’élaboration de lois fondamentales et de principes de gouvernement.

Les lois fondamentales du Royaume

Les lois fondamentales gouvernent la succession à la couronne et ont été élaboré principalement au cours des XIII-XVème siècles. Elles résultent d’usages coutumiers c’est-à-dire d’habitudes que l’on a fini par tenir pour obligatoires. Il n’y a pas comme maintenant une constitution qui fixe la règle du jeu politique : ce sont les habitudes qui ont montré le mouvement en marchant comme disait le philosophe grec.
 
1- Hérédité, Élection, Primogéniture
C’est ainsi que, sous les Mérovingiens, la couronne était héréditaire et l’on partageait le royaume entre les fils du roi. Sous les Carolingiens la désignation du roi faisait intervenir une élection. La coutume des partages a été abandonnée et, sous les premiers Capétiens, l’hérédité et la primogéniture vont s’imposer coutumièrement. A partir de Philippe Auguste, l’on considère que ces règles sont obligatoires.
 
2- Masculinité et Loi Salique
Entre 1316 et 1328, également, une série de successions difficiles a amené à poser le principe de masculinité. C’est l’époque des « Rois maudits » popularisée par les romans de Maurice Druon. Entre 1316 et 1328, plusieurs rois ne laissent pas de fils et, en plusieurs étapes, une coutume d’écarter du trône les femmes, puis les descendants mâles par les femmes, va se former.
 
3- Indisponibilité
Par ailleurs, en raison de la tentative que l’entourage du roi a inspirée à Charles VI, le roi fou, d’écarter son fils de la couronne au profit de son gendre anglais, l’on a jugé au XVème siècle, que la couronne était indisponible. A cette époque, la réflexion des juristes les a amenés à dire que le roi ne peut pas modifier la dévolution de la couronne, et c’est en vertu de cette règle que les rois de France n’abdiquent pas. Sous l’Ancien Régime, aucun roi de France n’a abdiqué.
 
4- Inaliénabilité
Si le roi ne peut pas disposer de la couronne, il ne peut pas davantage disposer des biens et droits qui vont avec. C’est ce qu’on appelle l’inaliénabilité du domaine, règle que nous connaissons encore car elle subsiste en droit républicain : les biens publics, comme les routes, les places, les rivages de la mer, par exemple, ne peuvent pas être appropriés par des particuliers. Cette règle vient de la monarchie.
 
5- Catholicité

A ces principes, s’en est ajouté un autre au XVIème siècle : le principe de catholicité du roi suivant laquelle le roi de France ne peut être que catholique. Cette règle n’était pas proclamée au Moyen Age parce qu’elle allait de soi : le roi était sacré par la Sainte Église catholique et, depuis le XIIIème siècle, promettait d’« expulser les hérétiques » (en latin : « exterminare hetericos »). La catholicité du roi allait être proclamée expressément au XVIème siècle, à l’occasion des guerres de religion.

La controverse a été particulièrement intense autour de Henri IV : pouvait-il succéder à
Henri III, étant donné qu’il était protestant ? Devant la résistance de ses sujets, le roi a dû se convertir pour pouvoir exercer le pouvoir. Pour être roi, il fallait donc simultanément remplir toutes les conditions, c’est-à-dire être à la fois l’héritier par la loi de succession et être catholique.
 
A côté des règles principales, la coutume régissait aussi quelques situations particulières comme par exemple les régences (les femmes pouvant exercer) et la majorité royale. L’ensemble constituait une véritable constitution coutumière c’est-à-dire fondée sur l’usage des précédents : constitution non écrite 3 et rigide 4. Cette monarchie traditionnelle avait donc élaboré un édifice constitutionnel, et elle se gouvernait selon certains principes. Ainsi, maître de son Etat, le roi décidait-il de la paix et de la guerre et pouvait-il faire des ordonnances pour le bien commun du royaume, mais, il gouvernait « à grand conseil » : toute décision devait être délibérée avant que le roi ne tranche dans un sens ou un autre. En effet, le roi ne décidait pas arbitrairement, et la mention de l’intervention du conseil se trouve dans toutes les ordonnances. De même, quel que fût son pouvoir, le roi devait respecter les droits de ses sujets. Il leur laissait leur droit privé, régi par des coutumes (tout en se réservant la possibilité de rectifier les mauvaises coutumes), et il respectait les privilèges que ses prédécesseurs et lui-même avaient accordés aux sujets. Il faut cependant observer que, entre le Moyen Age et la Révolution, la constitution de la monarchie a changé dans le sens d’une plus grande autorité. C’est notamment la conséquence d’une prise en main de l’espace grâce à un maillage administratif.

La Marche vers l’Absolutisme de Droit Divin

Monarchie tempérée : saint Thomas
Au Moyen Age, la monarchie, encore faible, devait tenir compte des droits des féodaux. Et, à cette époque, la théorie de la royauté est exposée par saint Thomas d’Aquin dans un ouvrage important, le « De Regno », qui a connu de nombreuses traductions. Saint Thomas présente la royauté comme un régime mixte c’est-à-dire qu’à sa tête, il y a le roi, puis, en dessous de lui, une élite, et, en bas, le peuple qui soutient. Donc pour lui, le régime est fondé sur un équilibre entre monarchie, aristocratie et démocratie. La présence d’un élément démocratique peut surprendre, choquer même, certains contre-révolutionnaires, mais cela n’a rien d’anormal : saint Thomas dit même que cela favorise l’adhésion du grand nombre. Saint Thomas présente une théorie très cohérente de la monarchie, qui paraît très transposable à notre époque, bien entendu dans un contexte catholique.
 
Absolutisme : Jean Bodin
Cette conception très sage va cependant être malmenée par les événements historiques. En effet, après les malheurs de la Guerre de Cent ans, les guerres de religion, notamment, vont entraîner de grands désordres. C’est d’ailleurs l’élément populaire, soucieux d’ordre, qui va demander que la monarchie soit proclamée absolue, ce qu’elle sera aux XVIIème et XVIIIème siècles.
Le principal théoricien de l’absolutisme est un juriste, Jean Bodin, qui est l’auteur de la définition de la souveraineté, « faire et casser la loi ».  A la différence de saint Thomas, Bodin prône une monarchie pure. Il veut que le roi ne partage son pouvoir ni avec une aristocratie, ni, a fortiori avec son peuple. Une simple limite pour lui : le roi doit respecter la religion et les coutumes ; mais Bodin ne prévoit rien en cas d’abus.
 
Royauté de Droit divin : Bossuet

Cette théorie de l’absolutisme va être renforcée, au siècle suivant, par le droit divin dont le grand théoricien sera Bossuet. Dans une langue tout à fait sublime, Bossuet définit dans « La politique tirée de l’Écriture Sainte », l’absolutisme de droit divin. Bossuet rappelle que tout pouvoir vient de Dieu, ce qui est une doctrine catholique commune que l’on trouve dans l’Évangile et dans saint Paul, mais sa théorie va beaucoup plus loin.

En effet, pour lui, les rois sont les représentants de Dieu sur terre –il dit qu’ils sont sur le trône même de Dieu- et il en déduit que nul ne peut contester leur pouvoir et leurs décisions, ni les grands, ni le peuple, ni même le pape. Les rois ne relèvent que du jugement de Dieu, jugement qui est d’ailleurs à craindre pour eux puisqu’ils seront jugés plus sévèrement que les simples mortels. Donc ce pouvoir ne subit pas du tout de contrepoids ou de contrôle tout au moins dans la mesure où il ne le veut pas. L’absolutisme de droit divin va s’appliquer aux XVIIème et XVIIIème siècles. C’est un facteur de renforcement et de rationalisation de l’État, qui aboutit à un relatif nivellement des coutumes et privilèges, mais aussi à une absence de dialogue politique entre gouvernants et gouvernés, d’où maintes révoltes populaires ou résistances de corps constitués. Indiscutablement, l’État a beaucoup gagné à l’absolutisme, beaucoup plus que la monarchie qui s’est éloignée de son peuple. L’État de Louis XIV est un État qui se rationalise et qui se renforce considérablement par rapport à l’État antérieur.

Au XVIIIe siècle, l’absolutisme va susciter, par réaction, la résistance de la pensée aristocratique avec un Saint-Simon ou un Montesquieu : deux personnages que l’on a tendance à éloigner, alors qu’ils sont quasiment contemporains, et que leurs idées, à l’un comme à l’autre, visent à limiter le pouvoir du roi en recourant – principalement même pour Saint-Simon- à l’aristocratie. Cette pensée sera l’un des points de départ du libéralisme.
            Au contraire, d’autres auteurs vont accentuer l’appel à l’autorité, au « despotisme éclairé ». Ce sera le cas de Voltaire, qui n’est pas un anti-monarchiste, contrairement à ce que certains croient, mais un anti-catholique. Par là il sape plus ou moins consciemment un des piliers du trône, mais, en revanche, en ce qui concerne le pouvoir politique, il veut une monarchie très forte. Son idéal est incarné par Louis XIV, si possible sans les Jésuites, ou son ami Frédéric de Prusse, qui est un souverain cynique. Pour lui, le roi doit pouvoir agir très puissamment pour réformer son État. C’est l’époque de Joseph II, de Frédéric et de l’impératrice Catherine, et l’on peut dire que Napoléon Bonaparte sera, à sa manière, un souverain éclairé au début du XIXème siècle.

Et puis l’absolutisme va connaître une mutation curieuse : Jean-Jacques Rousseau va transférer l’absolutisme du roi au peuple, déclaré souverain. Il faut préciser au passage que cette doctrine n’a rien de libéral. Généralement, l’on a tendance à confondre démocratie et libéralisme ; or, en réalité, la démocratie selon Rousseau est une démocratie extrêmement autoritaire : la majorité oblige la minorité à être libre c’est-à-dire à la suivre.
Les libertés individuelles ne sont pas du tout des idées démocratiques. Ce n’est qu’après 1848, avec le suffrage universel, que libéralisme et démocratie se télescoperont et arriveront à une synthèse. Mais auparavant, ce sont deux choses opposées. Le libéralisme à la manière de Montesquieu prétend limiter le pouvoir du roi, ce qui permet aux libertés de s’épanouir. En revanche, la liberté de Rousseau comme celle des révolutionnaires, c’est le fait de ne pas avoir de roi et donc de décider en tant que corps politique indépendant, mais ce n’est pas du tout d’être libre individuellement.
 
Comme on le voit, la royauté traditionnelle se présente sous la forme de deux modèles assez différents, même si il y a des liens entre les deux : le modèle médiéval et le modèle de l’absolutisme. Et, c’est le modèle de l’absolutisme qui va être confronté au choc révolutionnaire. Et, il faut maintenant en venir aux expériences de monarchie constitutionnelle.

Les expériences de monarchie constitutionnelle

La crise de l’Ancien régime s’est produite sous le règne de Louis XVI, après la guerre d’Amérique – c’est une victoire à la Pyrrhus : la France a gagné la guerre d’Amérique mais en fait, l’on a tellement creusé le déficit que la monarchie y a succombé. Le roi a donc convoqué les États Généraux, assemblée des trois ordres constituant la société de l’époque : clergé, noblesse et tiers-état. Cette institution, qui datait du Moyen Age, avait été associée au vote des impôts, puisque, dans la conception médiévale, l’on ne pouvait pas taxer les sujets sans leur consentement.

Mais elle avait souvent provoqué des désordres, et c’est pourquoi, depuis 1615, il n’en était plus question. Louis XIV avait taxé ses sujets sans recourir aux États. Mais, en 1789, vu le blocage des institutions, l’on revient aux États Généraux et, très vite, ces États vont déborder le pouvoir royal. Dans un climat d’émeutes, alors qu’il y a toujours ce problème financier, les États neutralisent le pouvoir royal, ils se proclament Assemblée Constituante et, estimant les lois fondamentales insuffisantes, ils veulent doter la France d’une constitution écrite. C’est notamment le vent d’Amérique qui est derrière cela.
 
Sous Louis XVI
 
            Les États s’autoproclament donc Assemblée Constituante et bouleversent toute l’organisation de l’Ancien régime : les tribunaux, les provinces qu’ils remplacent par les départements, les corps de métiers et les privilèges qu’ils suppriment. Finalement, ils aboutissent à une constitution fort peu monarchiste en 1791.
Le roi n’est plus souverain – Le roi subsiste bien sûr mais il est désormais « roi des Français » et non plus « roi de France » ; c’est un roi mais ce n’est plus un souverain : la souveraineté c’est la Nation qui la possède. En revanche, le roi est toujours désigné selon les règles traditionnelles. Il se trouve à la tête de l’exécutif, c’est-à-dire qu’en principe -parce qu’en fait l’Assemblée s’immisce dans tout- il nomme et révoque ses ministres.
L’Assemblée est souveraine – Quant à l’Assemblée, elle a seule le pouvoir législatif et elle vote le budget. Le roi ne peut s’opposer à une loi que pendant deux législatures : il dispose d’un veto purement suspensif. Et, au surplus, les députés ont encore limité de facto le pouvoir laissé au roi, si bien que cette expérience de pouvoir constitutionnel va très mal tourner, et un coup de force, le 10 août 1792, y mettra fin, avec le renversement de Louis XVI.
 
Louis XVIII, Charles X, Louis-Philippe
 
            Cette expérience n’a certainement pas inspiré de nostalgie à Louis XVIII et, quand il revient en France en 1814, il n’a pas envie de retrouver la situation que son frère Louis XVI a connue. Mais, plutôt que de suivre les principes d’un Bonald ou d’un de Maistre, qui voudraient purement et simplement revenir à l’Ancien Régime, Louis XVIII s’estime tout de même obligé d’accorder une constitution. Le plus étrange est que celui qui insiste le plus pour cela est l’un des occupants 5 Alexandre, tsar de Russie, qui est pourtant lui-même un autocrate absolu. Dès lors, Louis XVIII « octroiera » à ses sujets une « charte constitutionnelle. »

Pour ce faire, il se placera donc momentanément en position de roi absolu. Il rappelle d’ailleurs, dans le préambule de la charte, que toute l’autorité, en France, a toujours résidé dans la personne du roi, et il réaffirme donc la souveraineté monarchique. Le terme « charte », venu du Moyen Age, époque à laquelle on donnait des constitutions urbaines aux villes sous forme de chartes, c’est-à-dire de documents écrits- peut paraître familier, parce que l’on fait maintenant des chartes pour tout, mais, au XIXe siècle, il était presque complètement sorti de l’usage. D’ailleurs le peuple disait « la chatte du roi. »

Que prévoit Louis XVIII dans cette charte de 1814 ? Le roi dit qu’il s’agit seulement de régler l’exercice de cette souveraineté. Il garde le pouvoir exécutif, choisit ses ministres et les révoque, a le droit de paix et de guerre, mais il partage désormais le législatif avec deux assemblées, l’une étant nommée -les pairs- et l’autre étant élue avec- et là c’est un héritage révolutionnaire et une erreur de Louis XVIII- un suffrage hyper-censitaire, c’est-à-dire limité aux plus riches (alors que la royauté avait des partisans dans des catégories plus modestes). La charte reconnaît les grandes libertés publiques et l’égalité. C’est un héritage de la Révolution (même si, dans la pratique, elle avait comprimé les libertés) qu’il n’a pas semblé possible ni souhaitable de remettre en cause, ne serait-ce que parce que les privilégiés avaient beaucoup gêné l’ancienne monarchie. Donc la royauté restaurée admet l’égalité de droit, l’égalité devant l’impôt, l’accessibilité de tous aux fonctions publiques, toutes choses qui ne révolutionnaient pas l’État. Par ailleurs, le catholicisme redevenait religion d’État, mais les autres cultes, protestant et israélite, conservaient le statut dont ils avaient été dotés par Napoléon.

Le pouvoir royal demeure très fort. Cela permet une lecture royaliste de la charte, dans laquelle certains affectent de voir une simple ordonnance de réformation du royaume. Cependant, les députés votent la loi et le budget, et cela permet une autre lecture de la charte, la lecture libérale.

Charles X, le frère de Louis XVIII, va s’y heurter, c’est-à-dire que les députés vont soutenir que le concours de la Chambre est nécessaire pour gouverner. Charles X va hésiter, puis se soumettre, puis tenter de modifier les règles du jeu, ce qui provoquera sa chute en 1830. Les libéraux profitent de la révolution pour remplacer Charles X par un cousin, Louis Philippe d’Orléans, proclamé roi des Français. C’est la Monarchie de Juillet. Le nouveau roi n’est pas sacré 6 ; la charte est amendée dans le sens de la souveraineté nationale (charte de 1830). La monarchie va se transformer et l’on va s’orienter vers le parlementarisme, c’est-à-dire que le gouvernement devra avoir à la fois la confiance du roi et celle de la chambre des députés. Mais en 1848 a lieu une nouvelle révolution, et cette tentative de transaction entre la Révolution et l’Ancien régime est balayée.

Pourquoi cette évocation de régimes assez anciens ? Simplement parce qu’elle a fortement marqué les hommes du XIXème siècle, et en particulier les royalistes. Pour eux, la royauté ne pouvait plus être que constitutionnelle. Elle devait exercer le pouvoir exécutif et partager le législatif. Cependant, malgré tout, il y avait des différences entre ceux qui accordaient la prépondérance au roi, généralement légitimistes ; et ceux qui souhaitaient avant tout un régime parlementaire, généralement orléanistes.

Pour les hommes du XIXème siècle, le pouvoir exécutif fort, le pouvoir « poignard », ce n’est pas la royauté, c’est le Bonapartisme 7. Cette conception de la royauté, l’on en trouve une expression intéressante avec le petit-fils de Charles X, le comte de Chambord, Henri V, qui a beaucoup réfléchi au régime qu’il faudrait à la France. Le prince a pu méditer l’échec de la Restauration et l’échec de la monarchie de Juillet et il a admis un certain nombre de choses et posé certaines limites. L’on a par exemple de lui une lettre envoyée à l’avocat Berryer en 1851, la « Lettre de Venise », où il dit :
            « Dépositaire du principe fondamental de la monarchie, je sais que cette monarchie ne répondrait pas à tous les besoins de la France si elle n’était en harmonie avec son état social, ses mœurs, ses intérêts, et si la France ne reconnaissait en accepter avec confiance la nécessité. » Et, il rappelle qu’il accepte « l’égalité devant la loi, la liberté de conscience 8, le libre accès à tous les mérites, à tous les emplois, à tous les honneurs, à tous les avantages sociaux ». Et il dit souhaiter donner à ces principes :
            « Toutes les garanties qui leur sont nécessaires par des institutions conformes aux vœux de la nation et fonder, d’accord avec elle, un gouvernement régulier et stable en le plaçant sur la base de l’hérédité monarchique, et sous la garde des libertés publiques, à la fois fortement réglées et loyalement respectées. »
 
Il semble que le comte de Chambord ait désiré une royauté forte : le roi aurait eu le droit de repousser une loi qui ne lui plaisait pas et de choisir ses ministres. A côté, il prévoyait deux chambres dont l’une était nommée par le souverain. En aucun cas, le comte de Chambord ne souhaitait l’instauration d’un parlementarisme à l’anglaise. C’est là une grande différence avec les orléanistes. Également, il souhaitait une large décentralisation, et ce point sera repris par l’Action Française.  Cette conception monarchique est, finalement, très équilibrée et aurait sans doute été réalisable. Mais ce n’est pas celle qu’a souhaitée l’Assemblée nationale de 1871, dominée par des royalistes qui étaient pour moitié des orléanistes. L’assemblée voulait bien un roi mais elle voulait le neutraliser (un des ducs, membre de l’assemblée, aurait dit vouloir ramener le roi, mais ligoté comme un saucisson !). Évidemment, le comte de Chambord n’était pas très attiré par cette perspective. De même, les tendances catholiques et les tendances sociales très affirmées du prince ont probablement effrayé les orléanistes. A l’égard du catholicisme, les orléanistes, même si à l’époque ils se rapprochent du catholicisme par désir d’ordre, ne veulent pas d’un catholicisme trop net, trop affiché. De même, les tendances sociales ne tentent pas ces hommes, libéraux en politique mais aussi en économie.

La voie de la restauration se ferme donc à l’occasion de la célèbre affaire du drapeau blanc, et c’est pourquoi l’assemblée royaliste vote finalement la constitution républicaine de 1875. La majorité pensait attendre la mort du comte de Chambord pour revenir à ses projets, mais, ce qui n’était pas prévu, les républicains emportent la majorité à la chambre la même année, enterrant la chance de la restauration. Après la mort du comte de Chambord (1883), les orléanistes pensent réunifier les légitimistes à leur profit, mais ils n’ont pas de majorité pour faire la monarchie qu’ils pensaient facile. Ensuite le Ralliement, demandé par le pape Léon XIII, va affaiblir considérablement les forces royalistes 9.   
Donc, le royalisme après 1883, après la mort du comte de Chambord, va s’étioler au plan parlementaire. Il aura quand même encore en 1900 une centaine d’élus dits « conservateurs » (parce qu’ils n’osent plus s’appeler royalistes). Il y a également eu le Boulangisme, aventure de type bonapartiste dans laquelle les royalistes vont se compromettre et partager l’échec.
 
Au final, que reste-t-il à la fin du XIXème du royalisme, en dehors de glorieux souvenirs ? D’un côté, une tradition récente de monarchie parlementaire, qui a été d’ailleurs relayée par la République parlementaire qui s’est mise dans ses murs. De l’autre, il y a une attirance vers le nationalisme poignard du général Boulanger et donc un vague danger de fusion dans un courant plébiscitaire. Mais les cartes vont être redistribuées à la suite d’un gros effort doctrinal. Le nationaliste républicain Maurice Barrès, avait dit : « Il n’y aura pas de restauration de la chose publique sans une doctrine » Eh bien, cet effort doctrinal va être accompli, notamment par l’Action française, et c’est le troisième volet de cette présentation de l’héritage royaliste.

Action française et Renouveau monarchiste.

La cause de la royauté va être relevée par la jeune « Action française », née au moment de l’Affaire Dreyfus. Dans le premier Comité d’Action française, un seul était royaliste : Charles Maurras, jeune journaliste, revenu au royalisme de sa famille et de son enfance après une période de doute et d’anarchie intellectuelle.

Les convictions de Charles Maurras

Comme Aristote et Comte, Maurras pense qu’il existe une nature humaine fondamentalement stable à travers le temps et l’espace, ce qui ne l’empêche pas de s’opposer au faux universalisme du XVIIIe siècle, et de considérer que le même système de gouvernement ne saurait convenir à tous les peuples. C’est par le raisonnement que Maurras est redevenu royaliste. Il dira : « La monarchie se démontre comme un théorème ». Maurras avait été envoyé en tant que journaliste, en Grèce pour les premiers Jeux Olympiques en 1896, et il avait constaté la faiblesse de la France par rapport aux empires allemands et britanniques. Il a dit : « je découvre mon pays, si petit ». Par ailleurs, il est soucieux de décentralisation et concède que la république doit tenir le fonctionnaire pour tenir l’électeur. Donc, pour lui, c’est nécessairement un régime centralisateur alors que la monarchie pourrait faire autrement. Maurras est peut-être un peu optimiste là-dessus car la monarchie d’Ancien Régime avait été fortement centralisatrice, sans toutefois aller aussi loin que la Convention et Napoléon, ni, a fortiori, notre époque. Maurras compare aussi les périodes royales de la France notamment le règne de Louis XIV pour qui il a une admiration particulière avec des périodes plus récentes et notamment les invasions de 1814-1815 et 1870. Pour lui, l’histoire est un champ d’expériences : l’empirisme organisateur, c’est l’expérience historique méditée par la raison. Et, cette expérience impose la conclusion monarchique : la France était prospère sous la monarchie et a connu des déboires sous les autres régimes.
 
Maurras renvoie dos à dos « démos » et « césar ». « Démos », le peuple, est dominé par les politiciens et par ce qu’il appelle les « quatre états confédérés », quatre groupes (l’on dirait de nos jours quatre « lobbys ») à savoir, selon lui, les juifs, les protestants, les francs-maçons et ce qu’il appelle les « métèques », c’est-à-dire les étrangers vivant en France. Selon Maurras ces quatre groupes forment une oligarchie cachée qui tient la République. D’un autre côté, Maurras critique le « césar », c’est-à-dire la dictature fondée sur l’adhésion populaire, comme le césarisme napoléonien. Aux termes de ses raisonnements, Maurras, estime que la grandeur de la France doit être liée à la restauration d’un pouvoir fort et stable, d’un pouvoir monarchique.

L’autre Ralliement : à la Royauté (« Enquête sur la Monarchie »)

Ces nouvelles convictions, Maurras va les éprouver avec un moyen très moderne : l’enquête journalistique. Il décide d’aller voir les conseillers du duc d’Orléans, le prétendant qu’il soutient, pour les interroger sur leur projet monarchique.
Il faut dire que, à l’époque, les tenants de l’orléanismefusionnisme, se prétendant héritiers de tout le royalisme du XIXe siècle, légitimisme inclus, et étant éloignés du pouvoir, sont désormais beaucoup plus partisans de l’autorité que du parlementarisme libéral. Donc Maurras va retirer de sa rencontre avec les conseillers du duc d’Orléans l’idée d’une royauté forte, d’une royauté puissante, d’une royauté autoritaire. Après cela, il va demander à divers écrivains si l’institution d’une monarchie héréditaire, anti-parlementaire, décentralisée est de salut public. Et, il va parfois obtenir des réponses argumentées, et souvent des adhésions. Par exemple l’historien Bainville et le célèbre romancier Paul Bourget vont adhérer à son projet monarchique. Chaque fois, Maurras reprend la réponse qui lui a été faite et répond point par point aux objections. Cependant, scandale pour Maurras, son ami Maurice Barrès (qui ne veut pas oublier les cent dernières années de l’histoire de France) ne se rallie pas au projet monarchique. Maurras ajoute aux réponses collectées un long discours préliminaire, plus des études du style « Comment faire la Monarchie ». L’ensemble constitue une « Enquête sur la Monarchie » publiée en fascicules de 1900 à 1903, puis en livre. Par ailleurs Maurras va réussir à convaincre tous les membres du comité d’Action française, petit groupe de républicains anti-dreyfusards fondé en 1898 de se rallier à la royauté et de lancer un journal quotidien qui durera de 1908 à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale.

La Monarchie d’Action-Française

Cette monarchie selon Maurras, si elle n’est pas exactement la monarchie d’Ancien Régime, n’est pas non plus, et surtout pas, la monarchie limitée du XIXème siècle.
1 – traditionnelle. Maurras dit qu’elle soit être traditionnelle (étant observé qu’il dit lui-même que « la tradition est critique »). Laissant de côté pour l’instant la question des prétendants, l’on observera que, fidèle à la tradition de l’Ancien Régime et de gens comme Maistre ou Bonald, Maurras veut une monarchie avec un roi qui règne et qui gouverne et non d’une monarchie limitée.
2 – anti-parlementaire. La monarchie doit aussi selon lui être anti-parlementaire : en effet, le parlementarisme a causé l’instabilité sous la Troisième République et Maurras, précurseur sur ce point de la Cinquième République, ne veut plus de ce système. Il dit que l’on ne gouverne pas à la manière d’une conversation. Maurras veut une représentation mais fondée sur les provinces et les métiers et non plus une représentation politique.
3 – décentralisée. Enfin il souhaite une décentralisation : il désirerait voir réapparaître les anciennes provinces au lieu de ce qu’il appelle le « sectionnement départemental ». Tout cela laisse cependant bien des zones obscures : par exemple la décentralisation aurait-elle une incidence politique ?
Catholicisme social. Sur le plan social, l’Action française fait sienne la doctrine de La Tour du Pin, ancien conseiller du comte de Chambord et catholique fervent. C’est une passerelle vers le catholicisme social, ou plutôt le légitimiste social,– en fait les catholiques sociaux étaient légitimistes au cours du XIXème siècle – et c’est une rupture nette avec le libéralisme orléaniste.

Le Banc des Accusés

Le fond de la pensée politique de Maurras, c’est que la royauté est le meilleur organe de la nation, qu’elle permet de défendre des agressions extérieures et des faiblesses intérieures. Pour lui, la royauté, c’est l’organe national de l’État.
            Ce nationalisme a parfois conduit Maurras à des positions pratiques qui ont pu donner lieu à controverse. Il y a un certain égoïsme sacré qui a pu lui être reproché. Par exemple, Maurras s’est réjoui, après la guerre de 14-18, du désordre causé par la révolution en Allemagne chez cet adversaire détesté. De même, l’Action Française a été un journal très polémique, il est bien évident que les adversaires ont été fortement étrillés.
            L’on a également reproché à Maurras une certaine dette intellectuelle à l’égard de courants peu sympathiques au christianisme comme par exemple le positivisme. Maurras considère que la politique relève d’une science ; il appelle cela « la physique sociale » et il dit « la circulation du sang ou la pesanteur ne sont pas des problèmes moraux, de même les problèmes politiques ne sont pas moraux ». L’affirmation a pu gêner et l’on a accusé son auteur de machiavélisme, même si Maurras n’a jamais dit que l’État, qui doit tenir compte de la « physique sociale » dans ses actions, était dispensé de la règle morale.
            La formule maurrassienne « Politique d’abord » a été très critiquée. Maurras disait pourtant qu’il ne s’agissait pas de mettre la politique au-dessus de tout : « je la mets avant tout comme on met les bœufs avant la charrue » Le refus de Maurras de confondre la politique et la morale ne doit pas être interprété comme un amoralisme politique. Simplement les deux choses ne sont pas du même ordre.
 
L’Action française a été très fortement ébranlée par la condamnation que le pape Pie XI a prononcée contre elle en 1926, et qui sera levée par Pie XII en 1939 sans rétractation d’erreurs précises. L’on peut penser que Pie XI a voulu éloigner la jeunesse, qui subissait l’influence de Maurras, d’un maître agnostique. Il semble cependant que, d‘un point de vue catholique, l’on peut prendre les choses autrement en envisageant Maurras (qui se définissait lui-même comme un agnostique) comme saint Thomas voyait Aristote. Il faut donc compléter l’œuvre de Maurras par la conception chrétienne du monde, ce qui est relativement aisé. Maurras était d’ailleurs très favorable à l’Église qu’il appelait le « temple sacré des définitions du devoir, et « la seule internationale qui tienne. ». Divers intellectuels catholiques ont voulu compléter Maurras en disant qu’à la « physique sociale » s’ajoutait (et non pas s’opposait) la morale chrétienne et la métaphysique chrétienne, ce qui permettait, en quelque sorte, d’intégrer Maurras dans la construction thomiste. C’est l’idée notamment de Louis Jugnet. C’est aussi le programme de la revue politique « L’Ordre français » revue contre-révolutionnaire malheureusement disparue :
« C’est sous le signe de Charles Maurras que s’est réunie l’équipe de l’Ordre français grâce à cela nous avons acquis un tel appétit du vrai qui nous a contraint à déborder les frontières même de son positivisme politique. Il a ouvert notre esprit aux plus grands maîtres, au Bossuet, au Bonald, au Maistre, à qui nous devons notre conception de la contre-révolution intégrale ». L’on peut aussi citer le président Salazar, au Portugal, qui avait des idées proches de Maurras : pour lui, l’État nationaliste portugais restait soumis au droit et à la morale chrétienne.
 
Si la tradition légitimiste maintenue, fortement inspirée de catholicisme, n’est pas maurrassienne, et si elle préfère se référer à des auteurs comme Bossuet, elle admet tout autant l’idée d’un roi qui règne et qui gouverne. L’on peut dire qu’il y a eu un consensus de la plupart des royalistes du XXème siècle sur ce point. Seuls sont restés en dehors quelques nostalgiques d’une royauté libérale désireux d’un accord avec les héritiers de la République. Cette conception n’est pas stupide et certains y voient une carte à jouer, à savoir l’alliance de la monarchie et de la démocratie, un peu comme en Espagne. Mais cette position est hyper-minoritaire, la plupart des royalistes français, qu’ils soient légitimistes ou maurassiens, étant contre-révolutionnaires.
 
La variété des doctrines de la royauté et les circonstances historiques expliquent le fait que les royalistes se soient séparés jusqu’à nos jours en plusieurs groupes qu’il convient de distinguer. 

Quels royalistes pour la France ?

Depuis le XIXème siècle, les royalistes s’opposent à ceux qui ne le sont pas mais aussi, ils sont profondément divisés entre eux du fait de plusieurs événements dramatiques. La guerre fratricide réjouit les adversaires de la royauté qui redoutaient que l’unité royaliste se reconstitue par un accord autour du chef de Maison.  Nous allons envisager ces divisions en trois parties :

  • La naissance de la rivalité entre Bourbons et Orléans
  • L’évolution de cette situation depuis 1883, date de la mort du comte de Chambord, qui est un clivage important
  • Enfin, quelques mots sur ceux qui ont voulu passer outre cette division en prétendant soit que Louis XVII avait survécu et avait des descendants, soit qu’il fallait attendre un roi donné par la Providence. 
La naissance de la querelle dynastique entre Bourbons et Orléans.

Au XIXème siècle, la division des royalistes atteint le niveau d’un schisme entre d’une part les partisans des Bourbons, favorables à une monarchie traditionnelle, contre-révolutionnaire, autoritaire (monarchie dite blanche en raison de la couleur du drapeau), et  les partisans des Orléans, favorables à une transaction avec la Révolution (monarchie tricolore). Ce n’est pas seulement une division de personnes ; c’est aussi une division au plan des idées.

Il y a d’abord l’aspect dynastique qu’il faut résumer brièvement. Louis XIII a eu deux fils. De l’aîné, Louis XIV, descendent tous les rois suivants jusqu’à Charles X, et ensuite les rois de droit que sont le fils et le petit-fils de ce dernier, puis les Bourbons d’Espagne (qui deviennent aînés à la mort de Henri V en 1883).
 
L’autre fils de Louis XIII, Philippe duc d’Orléans (ici en médaillon), est l’ancêtre des princes d’Orléans.

Il y a ensuite des relations parfois conflictuelles entre aînés et cadets. Au XVIIIème siècle, les Orléans se sentent proches du pouvoir – l’un d’entre eux a été régent à la mort de Louis XIV – mais en sont séparés par leurs aînés. Les cadets craignent d’être marginalisés, mais leur situation est particulière dans le royaume où ils constituent une puissance, voire un contre-pouvoir.

En 1789, le duc d’Orléans est le plus riche seigneur de France et, par ailleurs, il a tout un réseau d’affidés, notamment parce qu’il est le grand maître de la franc-maçonnerie. Et Philippe d’Orléans, est un intrigant. Il veut jouer un rôle politique : il essaye d’abord de devenir lieutenant du général du royaume et lorgne vers la couronne de son cousin, Louis XVI. Après la chute de Louis XVI, il va même se faire élire député à la Convention, première assemblée républicaine. Relayant lui-même les rumeurs sur sa filiation, il va d’ailleurs changer son nom de Philippe d’Orléans en Philippe Egalité, et il va proposer de renoncer à ses droits à la couronne. Et surtout, il va voter pour la mort de Louis XVI. Même Robespierre en est surpris. Sans vouloir blanchir sa mémoire, il faut dire que c’est avant tout un prince faible. Un livre, « L’Anglaise et le Duc », et l’œuvre cinématographique qui en a été tirée, montrent bien Philippe Égalité comme un personnage falot. Tous ces reniements, toute cette politique assez basse d’intrigues aboutissent finalement pour lui à la guillotine.

            Son fils aîné, Louis Philippe, a fini par émigrer. Il va ensuite se réconcilier avec ses cousins et revenir à la Restauration. Sous Louis XVIII, il est tenu à l’écart, mais Charles X lui rend ses rangs et ses prérogatives. Il en est mal récompensé puisque lorsque la révolution chasse Charles X, la couronne est ramassée par ceux qui ont fait la révolution et mise sur la tête de Louis Philippe : c’est la Monarchie de Juillet. Louis Philippe, qui a une réputation de libéral, usurpe la couronne 10… Mais il sera à son tour renversé en 1848.

            Un troisième litige avec la branche aînée, après le régicide et l’usurpation, a lieu en 1831 : la duchesse de Berry, belle-fille de Charles X, essaye de récupérer la couronne pour son fils et elle est arrêtée et enfermée à Blaye dans des conditions assez dures ; là aussi les aînés auront des raisons d’en vouloir aux cadets.

Avec ces événements, les deux conceptions de la royauté, la monarchie blanche et la monarchie tricolore, se sont distinguées.
    Après 1848, sans bien en mesurer l’abîme, les hommes politiques vont vouloir rapprocher les deux branches en se disant que l’union pouvait leur permettre de gagner. Dans l’immédiat, ils vont effectivement gagner les élections mais ils vont faire une erreur stratégique en favorisant l’accession à la présidence de la République du prince Louis Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier, lequel va récupérer la mise pour lui-même et devenir l’empereur Napoléon III.
Quant au rapprochement entre les princes de Bourbon et d’Orléans, tenté une première fois, mais en vain, en 1850 il va reprendre après la défaite de 1870, au moment de l’assemblée de Versailles. Ce sera la tentation de « fusion » dynastique.

Il y a une ambiguïté dans cette réconciliation. Pour les légitimistes, il y a eu reprise des relations familiales, et les Orléans ont donc repris leur place dans la famille, mais cela n’a rien changé à leur rang. Pour les orléanistes, au contraire, la fusion, c’est-à-dire la rencontre entre les Orléans et le comte de Chambord (ici en médaillon), signifie que l’accession au trône du comte de Chambord, qui n’a pas d’enfant, préparera celle des Orléans. Mais, malgré cette équivoque fusion, la question du drapeau sera utilisée pour faire échouer la tentative de restauration en 1873.

En 1883, à la mort du comte de Chambord, la fusion semble se réaliser dans les faits : il va y avoir ralliement de la plus grande partie des royalistes au comte de Paris, petit-fils de Louis Philippe.  Presque toute la presse et la plupart des chefs du parti légitimiste passent du côté des Orléans. Dans certaines régions, 1883 marque la fin pure et simple du légitimisme. Au cours des années suivantes, le prétendant Orléans et ses fidèles font un effort pour essayer de trouver une synthèse royaliste, dans laquelle, paradoxalement, les idées contre-révolutionnaires progressent au détriment de la pensée libérale. L’on peut donc à plus forte raison parler d’ « orléanisme-fusionnisme », parce qu’il y a de moins de moins de vrais orléanistes, d’orléanistes libéraux à partir de ce moment-là.
            Une très faible minorité a cependant refusé de reconnaître le comte de Paris en 1883. Elle s’est fondée sur le fait que le deuxième petit-fils de Louis XIV, le duc d’Anjou, Philippe V d’Espagne, a eu des héritiers nombreux : Bourbon d’Espagne, Bourbon de Naples, Bourbon de Parme, etc. Comme la couronne était indisponible sous l’Ancien Régime –que l’on se rappelle les règles dynastiques –les renonciations ne pouvaient valablement faire échec aux droits de ces princes. Mais les arguments juridiques sérieux des « blancs d’Espagne » n’eurent que peu d’écho dans l’immédiat, et leurs partisans durent limiter leurs ambitions à la reconstitution de quelques groupes, à la survie d’une presse réduite à quelques hebdomadaires et à la tenue de quelques congrès. Néanmoins, au cours des quelques années qui suivent la mort d’Henri V, les orléanistes-fusionnistes, quoique sans compétiteurs de poids à droite, ne vont pas réussir à réaliser la « monarchie facile », faute de majorité parlementaire. Nombre de légitimistes, mécontents de la fusion, sans aller jusqu’à soutenir un prince Bourbon d’Espagne, n’avaient accepté qu’avec réticence un prince d’Orléans, et avaient eu tendance à reporter leur fidélité sur le Pape, victime de l’unité italienne.
 
Et c’est précisément du Pape qu’allait venir une initiative qui allait faire fondre les effectifs royalistes, ainsi d’ailleurs que bonapartistes : le ralliement à la République, conseillé par le pape Léon XIII en 1892. Outre la fin des espoirs monarchiques, quels qu’ils soient, la consigne pontificale introduisait la division à droite, entre ceux qui persévéraient dans leur fidélité et les « ralliés », et ne profita qu’aux républicains. Le ralliement agit comme une hémorragie qui fit progressivement disparaître la représentation parlementaire des partisans d’un pouvoir monarchique. Malgré tout, la situation des orléanistes-fusionnistes paraissait de loin plus favorable que celle des légitimistes ou des bonapartistes. Ils réussirent à conserver quelques députés — souvent camouflés sous l’étiquette de « conservateurs » — jusqu’au début du XXe siècle. Par ailleurs leur prince était connu et avait une situation mondaine brillante (ce fut d’ailleurs une fête trop voyante, à l’occasion d’un mariage, qui provoqua en 1886 le vote d’une loi d’exil frappant les chefs des familles ayant régné sur la France). Cependant la querelle dynastique allait rebondir au XXe siècle.

La querelle dynastique de la fusion à nos jours.

Au XXe siècle, la confrontation entre les « blancs d’Eu » 11 et les « blancs d’Espagne » continue celle des Bourbons et des Orléans du XIXe. La division des deux branches va continuer mais, jusqu’à la guerre de 1939, l’orléanisme-fusionnisme domine largement. Son influence connaît même une nouvelle expansion à cause de la montée du mouvement d’Action française.
            A Philippe, « comte de Paris », petit-fils de Louis-Philippe, prétendant de 1883 à 1894, ont succédé son fils, Philippe, « duc d’Orléans, de 1894 à 1926, puis Jean, duc de Guise, son neveu, depuis 1926. Ces princes tentent de se glisser dans la peau de prétendants royaux classiques. S’éloignant du libéralisme, ils n’ont pas une politique très active, et ils se contentent de laisser agir l’Action française.
Mais cela va changer en 1937 avec un manifeste inspiré au duc de Guise par son fils, le jeune comte de Paris. Ce manifeste est un acte de désaveu de l’Action française. Le duc de Guise – mais c’est en fait le comte de Paris qui parle – dit que l’Action française a réuni le nationalisme, de filiation jacobine, avec le royalisme et qu’il ne peut pas accepter cela. Quelle froide ironie ! 12 . Il y a donc rupture avec l’Action Française. Elle a lieu en fait parce que le comte de Paris veut jouer un rôle politique personnel et pouvoir se rapprocher de politiciens républicains que combat l’Action Française. Nombre de fusionnistes ont alors accusé leur prince d’ingratitude
            Au cours des années qui suivent, le Comte de Paris va déployer une intense activité politique. Sous l’Occupation, après avoir été éconduit par le Maréchal, puis par Pierre Laval (qui lui aurait proposé le ministère du ravitaillement !) il va se mêler aux intrigues d’Alger, à l’époque de l’assassinat l’Amiral Darlan. Puis, sous la Quatrième République, il va profiter de l’abrogation de la loi d’exil pour revenir en France, et nouer des liens avec divers politiciens républicains. Enfin, le Comte de Paris suit le Général De Gaulle, qui lui ménage quelques témoignages de considération. Il approuve la politique d’abandon de l’Algérie– alors qu’il y a lui-même perdu un fils– et beaucoup de royalistes, à cette époque, se séparent de lui. Puis, après De Gaulle, il se tient à l’écart de la politique active.
L’on sait que certains ont vu dans Charles De Gaulle, une sorte de Franco français possible et lui ont prêté des sympathies monarchistes, mais on lui attribue aussi un mot cruel 13 . Il est également fort possible que De Gaulle ait eu l’idée machiavélique, en flattant le comte de Paris, de neutraliser des royalistes qui s’opposaient à sa politique, notamment nombre de militaires d’Algérie. 
            Son fils et successeur Henri « comte de Clermont » -qui s’est lui aussi titré « comte de Paris » ainsi que « duc de France » après la mort de son père (1999), initié dans une loge maçonnique (la loge « Lys de France »), divorcé et remarié civilement sans attendre une déclaration de nullité canonique de son mariage (obtenue depuis, ce qui n’a pas manqué de surprendre) a semblé assez éloigné d’un prince de tradition. Le sens de l’action des deux derniers comtes de Paris est discuté : certains y voient une infidélité à la vocation royale qu’ils leur reconnaissent. Pour le père, certains l’accusent de machiavélisme tandis que d’autres considèrent qu’il a eu une passion du pouvoir et que son attitude de rejet à l’égard de l’Action Française se justifiait par le désir d’échapper à une tutelle. Apparemment plus indulgent, le légitimiste Guy Augé voyait dans cette attitude un retour pur et simple à la tradition libérale de l’orléanisme, plus ou moins abandonnée au début du XXe siècle sous l’influence du mouvement maurrassien.
            Les partisans de la branche d’Orléans ont reporté leurs espoirs sur le fils du second comte de Paris du XXe siècle, Jean, jeune prince d’esprit beaucoup plus catholique et traditionnel appelé à devenir chef de sa branche… Quant à l’Action française, elle a subsisté, malgré les persécutions subies à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Mais l’école a connu des dissidences et s’est divisée en plusieurs groupes de sensibilité différente.

Si l’on considère maintenant l’autre versant du royalisme, le légitimisme, l’on se rappelle qu’il avait été réduit, en tant que force politique autonome et non fusionnée, à un très mince courant depuis la fin du XIXe siècle. Néanmoins, la continuité n’a jamais été totalement rompue. Une presse confidentielle s’est difficilement maintenue. Quant aux princes, les aînés saliques, depuis 1883, étaient les chefs de la branche carliste 14. Héritiers à la fois de deux branches dynastiques aînées et évincées – à savoir la branche française, et la branche espagnole – ils se sont assez peu intéressés à la France. Donc, ils se sont contentés de quelques protestations verbales affirmant leurs droits français et ils n’ont pas beaucoup aidé leurs fidèles. Et, même si les légitimistes blancs d’Espagne étaient peu nombreux, cette abstention a entraîné des scissions : certains sont allés chercher le duc de Séville, un cadet des Bourbon d’Espagne ; d’autres ont été parmistes, « blancs d’Italie », comme dit joliment Maurras. Maintenant encore, il subsiste des séquelles de ces querelles.
            En 1938, la branche carliste s’éteignit et l’aînesse passa à la branche « alphonsine », qui était d’ailleurs -clin d’œil de l’Histoire- celle qu’elle avait combattue en Espagne. Et c’est l’ex-roi d’Espagne – il était détrôné à cette époque- Alphonse XIII qui devint l’aîné des Bourbons, donc le roi de France de droit pour ses partisans. Prouvant discrètement qu’il était conscient de détenir désormais l’aînesse dynastique, il enleva de ses armes la brisure qui indiquait que sa branche était auparavant cadette. Il mourut en 1941.
            C’est son fils aîné, Jaime, ou Jacques, exclu de la succession espagnole (qui, en France, a été connu sous un autre de ses prénoms, Henri, ou encore Jacques Henri), qui va en 1946, se poser ouvertement en prétendant à la couronne de France. Alors que le légitimisme était devenu quelque chose de très marginal, et même d’ignoré, Jacques Henri va prendre des positions politiques qui vont lui attirer l’attention et la sympathie de nombreux contre-révolutionnaires : il condamne la politique algérienne du général De Gaulle, à la différence du comte de Paris, ainsi que la loi sur l’avortement.
            A la mort de Jacques Henri, en 1975, va lui succéder, pour quelques années seulement, son fils aîné, Alphonse de Bourbon, qui va présider à une vraie renaissance du légitimisme. Doté d’un physique avantageux, le nouveau duc d’Anjou s’est montré beaucoup plus présent et beaucoup plus intéressé par sa situation dynastique française que ses prédécesseurs, et a ainsi contribué à redonner au courant légitimiste une consistance qu’il n’avait plus depuis longtemps. Il a publié des messages, rencontré des hommes politiques de bords variés, répondu à des journaux, participé à des commémorations… 7 Diplomate de formation, il avait, tout en gardant toujours une certaine réserve, un très bon contact avec ses interlocuteurs. Le prince Alphonse envisageait d’ailleurs, au moment de sa mort, de se réinstaller en France. Simultanément l’on a pu constater la renaissance d’une presse légitimiste et la parution de travaux importants sur la question dynastique élaborés par des représentants des milieux universitaires (Augé, Rials, Brancourt…) et savants (Van Kerrebrouck, Pinoteau…)  Au total le légitimisme était en train de se réinscrire dans le paysage politique français, non sans susciter le mécontentement des milieux fusionnistes. Malheureusement pour ce courant renaissant, est survenu le 30 janvier 1989, un accident fatal : sportif aguerri, le prince Alphonse est mort lors d’une descente en ski du fait d’une faute des organisateurs.
            Frappé par ce drame, le courant légitimiste a reporté sa fidélité sur son fils Louis, duc d’Anjou et de Bourbon (« Louis XX » pour ses partisans). Jeune, sportif, sympathique, il a été élève du lycée français de Madrid. Vivant en Espagne avec sa jeune épouse, originaire du Venezuela, et ses enfants, il vient assez fréquemment en France, par exemple pour la célébration annuelle de la fondation des Invalides. À plusieurs reprises, et notamment lors de son mariage, il a arboré l’insigne de l’ordre du Saint-Esprit, montrant bien par là qu’il est conscient de sa dignité d’aîné de tous les Bourbons.
 
Malgré un léger ralentissement, le courant légitimiste reste très présent en raison de sa concordance avec l’esprit de contre-révolution. Quelques mots au sujet des argumentaires opposés des orléanistes-fusionnistes et des légitimistes : deux points principaux -complétés par bien d’autres arguments — les opposent et justifient les choix dynastiques, à savoir les renonciations et la nationalité. Pour les légitimistes, la loi fondamentale d’indisponibilité de la couronne frappe de nullité des renonciations consenties, d’ailleurs à regret, par Philippe V : la couronne est un bien hors du commerce juridique et l’héritier de la couronne est un « héritier nécessaire », c’est-à-dire obligé. Leurs adversaires considèrent au contraire que la solennité qui a encadré les renonciations a permis de déroger à l’indisponibilité ; ils allèguent la fois jurée et le respect des traités. En ce qui concerne la nationalité, l’on considère généralement qu’un souverain prend celle du pays sur lequel il règne. Pour les fusionnistes, un prince ne peut régner que s’il appartient une branche restée continûment française. Cependant, pour les légitimistes, les princes issus du sang de France gardent toujours leur droit à la couronne. Ainsi Henri III était-il roi élu de Pologne avant de monter sur le trône, et Henri IV roi héréditaire de Navarre. Et d’ailleurs, si le fait de régner à l’étranger avait suffi à enlever ses droits à la couronne à un prince, les renonciations auraient été inutiles. Au-delà de l’argumentation juridique, très intéressante mais également, il faut le reconnaître, complexe, l’aspect politique joue un rôle : les aînés, qui sont priés d’incarner la « monarchie blanche », passent pour moins libéraux que les cadets, identifiés à la « monarchie, tricolore. »… Cependant certains pragmatiques ont tendance à laisser de côté la discussion et à soutenir que « le premier arrivé à Reims a gagné. » D’autres, dont nous allons maintenant parler, préfèrent se réfugier derrière la volonté de la Providence pour chercher un prince en dehors des deux branches «classiques».

Survivantisme et Providentialisme.

Pour compléter le tableau du royalisme contemporain, il convient de dire quelques mots de deux tendances particulières, le Survivantisme et le Providentialisme. Dans les deux cas, une conception ultra-religieuse de la question monarchique et de la politique – peu respectueuse, nous semble-t-il, de la distinction évangélique du temporel et du spirituel- est présente. Les survivantistes croient que Louis XVII, enfermé à la prison du Temple avec ses parents en 1792 par les révolutionnaires et mort officiellement en 1795, se serait évadé de sa prison et aurait engendré une descendance. Quant aux providentialistes, ils comptent sur le Ciel pour rétablir la monarchie et imposer un prince indiscutable. Ces deux tendances, qui ont parfois suscité des associations et des revues, ne se sont jamais traduites en forces politiques.
 
En ce qui concerne le Survivantisme, c’est la manifestation d’une tendance, que l’on rencontre dans plusieurs pays, à croire, en cas de crise nationale ou de troubles, à la survie de princes disparus prématurément ou dramatiquement. Tel a été le cas pour Jean Ier, enfant roi mort en 1316, à propos duquel certains ont allégué une survivance au XIVe siècle. De même, en Angleterre, certains sujets ont cru à la survie du roi Édouard II, détrôné et assassiné. De même encore, en Russie, l’affaire du faux Dimitri ou la prétendue survivance de l’archiduchesse Anastasia… En France, certains prétendent aussi que le duc de Berry, père d’Henri V, aurait été marié avec Amy Brown, sa compagne anglaise, et que, en dehors de ses deux filles connues dans l’histoire, il en aurait eu des fils… Comme on le voit, le mythe du roi perdu est vivace.
            Dans le cas de Louis XVII, la thèse de la Survivance a été présentée pour la première fois par le romancier Regnault-Warin, dans son livre « le cimetière de la Madeleine » paru en l’An VIII (1799 — 1800). Depuis lors des dizaines d’ouvrages ont prétendu apporter les précisions ou formuler des hypothèses, d’où il résulte un formidable embrouillamini. Au XIXe siècle, de nombreux personnages ont prétendu être Louis XVII (plus de cent, dont un métis !) Il y a eu des illuminés et des imposteurs, soutenus par des dupes ou des complices. Quelques prétendants ont eu plus de consistance, notamment le fameux Karl Naundorf, dont les descendants ont encore des partisans. Cependant nombre d’historiens ont estimé qu’une évasion était invraisemblable, et l’acte de décès de 1795 est juridiquement incontesté à ce jour.
            L’on a transféré récemment à Saint-Denis un cœur qui paraît être celui de Louis XVII (mais, bien entendu, les survivantistes contestent ce point). Quoi qu’il en soit, le sang de France ne saurait se présumer, et il paraît hors de question d’envisager de coiffer de la couronne un prétendant dont le rattachement à la maison capétienne est incertain.
            A défaut d’arguments décisifs, certains survivantistes s’appuient sur des révélations privées. Par exemple, au XIXe siècle, le pieux paysan Martin de Gallardon aurait eu des révélations sur Louis XVII de la part de l’archange Saint-Michel, qui venait l’entretenir vêtu d’une redingote ! Cette intervention céleste apparente ces personnes à l’autre courant, le courant « providentialiste. » De fait, certains se sont tournés vers l’attente d’un « grand monarque » ou d’un « roi blanc. » Ils se fondent sur toute une série de prophéties et de révélations privées et attendent des prodiges et des signes.
 
Le thème du grand monarque semble trouver son origine dans le testament de Saint-Rémy. Il figure dans l’histoire de l’église de Reims écrite par Hincmar, archevêque de cette ville à l’époque carolingienne. Depuis lors la légende a connu un immense succès et beaucoup de variantes. Elle prétend que la providence fera régner un souverain puissant sur la France et sur l’Occident. En soi, d’ailleurs une telle espérance ne s’oppose en rien à la candidature des princes capétiens actuels. Et la croyance à la providence est parfaitement catholique : tout ce qui arrive est voulu ou permis par Dieu et doit tourner au triomphe de ses élus. Cependant, au-delà de cette vision des choses, certains sont tentés par l’immobilisme — un certain « quiétisme » politique — consistant à ne rien faire et à attendre l’action divine, alors que, la providence réalisant ses desseins de toute manière, il n’y a pas lieu de craindre de les entraver en agissant. C’est même une obligation pour des laïcs catholiques : « les gens d’armes combattront et Dieu donnera la victoire » a dit Jeanne d’Arc. En outre, la royauté est une question temporelle et il est donc légitime de chercher des garanties quant au bien-fondé de l’identification du prince et de refuser toute croyance aveugle en la matière.


En conclusion : l’idée monarchique et toujours bien vivante en France plus de deux cents ans après la Révolution. Elle exerce une incontestable attraction sur la droite nationale : comme le dit Monseigneur de Ségur, témoin des variations politiques du XIXe siècle, la monarchie représente pour les Français ce que le port représente pour le navigateur après la tempête. La monarchie a animé – au sens de donner une âme- l’histoire de France depuis ses origines aux fonts baptismaux de Reims, et la République laïque n’aurait pu lui discuter cette place que si elle avait accepté de se situer dans la continuité. Par ailleurs l’institution royale a montré, au cours de l’histoire, une remarquable faculté d’adaptation. Comme l’Action Française l’a souligné, elle correspond aux véritables aspirations de la nation française. Ceci étant, il n’existe pas de vecteur politique commun à tous les monarchistes (et même, beaucoup de monarchistes le sont sentimentalement, et n’ont aucune velléité d’action politique). La question du rétablissement d’une monarchie en France est donc ardue. Outre le choix des procédés, il faudrait assurer la pérennité d’une restauration. Cela nécessiterait donc une société reconstruite, ou tout au moins en train de se reconstruire, d’où la nécessité de l’action militante dans la période actuelle : l’on ne met pas la clé de voûte en l’air ; il faut des soubassements. Les développements qui précédent posent également deux séries de questions : les unes touchent à la nature de la monarchie, absolue ou constitutionnelle, pure ou mixte, les autres sont relatives au prince. Sur le premier point, le comte de Chambord disait que l’on ne pouvait disposer de la France loin d’elle ; c’est pourquoi le contenu d’une éventuelle constitution, qui reste objet de discussions libres et il faut éviter de bloquer toutes les options pour pouvoir tenir compte des développements de l’histoire à venir. Si, cependant, il est utile de proposer un type de monarchie, nous nous permettrons de souligner que la doctrine de Saint-Thomas (monarchie et régime mixte) semble correspondre au mieux aux besoins actuels. Elle permet en effet d’associer les élites et le peuple, chacun à sa place, à la gestion du pays par le roi. Le régime mixte est, par ailleurs, compatible avec la décentralisation et le corporatisme. Enfin ce modèle est en cohérence avec la tradition catholique. A propos des princes, ce n’est pas ici le lieu de trancher entre les « prétendants. »  Mais, à l’égard de tous, il faut rappeler que la formation et la connaissance des droits et devoirs liés à la tradition monarchique sont nécessaires pour régner. Chez les carlistes espagnols, il fallait, pour le roi, outre les conditions dynastiques, être digne de la fonction. C’est un peu la même idée qui avait amené à refuser la perspective du règne d’un souverain protestant au XVIe siècle.
 
Enfin il semble que, s’ils veulent garder un poids politique, tous les royalistes doivent accepter de travailler ensemble sur des sujets d’intérêt commun. L’ampleur de la décadence actuelle du pays rend nécessaire de pratiquer ce que Maurras appelait le « compromis nationaliste » entre monarchistes11, et même avec des républicains de bonne foi. Et, pour « boucler la boucle », l’on peut citer une phrase de l’Iliade d’Homère, père des lettres grecques et occidentales, que Maurras a placée en tête du premier livre de l’Enquête sur la monarchie : « Le commandement de plusieurs n’est pas bon : qu’il y ait un seul chef, un Roi. »


OBJECTIONS RESPECTUEUSES

Tous les collaborateurs et amis sur Lame de France ne sont pas tenus, comme Hector de Sainte-Hermine, d’être partisans de la survivance de Louis XVII. Franck Bouscau est légitimiste, attaché à la branche des Bourbon-Anjou représentée par le prince Louis-Alphonse, Louis XX pour ses partisans. C’est avec beaucoup de déférente amitié pour Maître Bouscau, que nous sommes néanmoins tenus de préciser la position de Lame de France. Nous mettons en italiques et entre guillemets, le tout en gras, les citations de notre ami, avant de présenter nos objections, ou nos précisions.
 
« Quelques prétendants ont eu plus de consistance, notamment le fameux Karl Naundorf (…) »
            Et s’il s’agissait de Louis XVII ?
 
« Dans les deux cas, une conception ultra-religieuse de la question monarchique et de la politique – peu respectueuse, nous semble-t-il, de la distinction évangélique du temporel et du spirituel- est présente »
            Nous ne pensons pas que le survivantisme partagerait une quelconque conception providentialiste et théocratique.
Si certains royalistes de cette mouvance ont pu céder à la tentation providentialiste, le combat de la survivance en revanche est simplement celui de la reconnaissance des droits de Louis XVII et de ses successeurs légitimes.
 
« En ce qui concerne le Survivantisme, c’est la manifestation d’une tendance, que l’on rencontre dans plusieurs pays, à croire, en cas de crise nationale ou de troubles, à la survie de princes disparus prématurément ou dramatiquement (…) Jean Ier, (…) Édouard II (…) Anastasia… (…) Comme on le voit, le mythe du roi perdu est vivace. »
            Notre ami a raison de nous mettre en garde contre les survivances les plus folles qui ressurgissent régulièrement dans le but de troubler les esprits. Certains, de moins en moins il est vrai, croient en la survivance de Paul VI, lequel ne serait pas mort et aura cent-vingt-huit ans le 26 septembre 2025…
            On ne peut cependant pas, à notre avis, mettre dans le même tiroir étiqueté « Le Roi Perdu » (titre d’un des livres les plus célèbres sur la Question) « Naundorff » et la princesse Anastasia Romanov dont la survivance post-1917 serait plus que douteuse.
En matière de foi catholique, l’Apôtre nous enseigne à tout examiner, avant de rejeter. Nous savons qu’il existe de fausses apparitions mariales ou simplement douteuses (Mendjugorge) et d’autres qui, bien que non encore reconnues par l’Église sont dignes de créance (San Damiano). Nous savons enfin qu’il en existe d’autres bien réelles, reconnues par le Vatican, mais se heurtant à l’opposition farouche de la majorité des prêtres actuels (La Salette et son Message). Il en va un peu de même avec la Survivance : du vivant de Louis XVII sorti du Temple, l’opinion publique royaliste avait déjà été noyée dans une présentation de « faux Dauphins » tels Richemont, Hergavault, etc. Courir après toute apparition survivantiste serait déraisonnable. Mais on ne pourrait prétexter cela, pour refuser d’examiner au cas par cas. La croyance en la survivance de Louis XVII est une constante depuis 1795. 
 
« Dans le cas de Louis XVII, la thèse de la Survivance a été présentée pour la première fois par le romancier Regnault-Warin, dans son livre « Le cimetière de la Madeleine » (…) Depuis lors des dizaines d’ouvrages ont prétendu apporter les précisions ou formuler des hypothèses, d’où il résulte un formidable embrouillamini. »
            L’honorable « Dictionnaire » de l’Académie Française, donne du mot « embrouillamini » la définition suivante : « Confusion extrême ».
            L’Affaire Louis XVII se situe à une période sanglante de l’Histoire, entre une royauté prétendument abolie, alors qu’elle n’est que provisoirement supprimée, et une république prétendument souveraine. A cela ajoutez la disparition du Successeur, pour une cause prétendument naturelle, la maladie. Cette charnière se situe entre la tyrannie sanglante de Robespierre et le régime quelque-peu apaisé du Consulat. L’époque 1789-1795 a été forcément confuse, générant un embrouillamini, dont ne pouvaient que témoigner les livres traitant de, pour ou contre, la Survivance.
Mais, comme le dit bien un proverbe populaire, le monde n’est simple que pour l’ignorant.
            Après avoir cité le célèbre livre d’Octave Aubry, « Le Roi Perdu », notre ami fait référence au livre de Regnault-Warin, « Le cimetière de la Madeleine » lequel est, soulignons-le, un roman. Il évoque ensuite « des dizaines d’ouvrages » générant donc ce formidable brouillamini. La littérature survivantiste a effectivement fourni l’occasion d’une avalanche de livres plus ou moins loufoques. On parle par exemple des prétendues « Mémoires du Duc de Normandie, Fils de Louis XVI » écrit par le pseudo-baron de Richemont, dont l’imposture a été révélée depuis : Agathe Mottet, veuve de Rambaud (1764-1853) ancienne nourrice des Enfants de France, s’était employée à démasquer les faux-dauphins. Seul « Naundorff » ne put être confondu par elle, elle qui finalement devint l’un de ses soutiens les plus fervents.
 côté du nécessaire fatras de livres extravagants, il existe plusieurs études sérieuses faites autour de cet étrange personnage revenu en France en 1833, prétendant être Louis XVII. Tout cela a constitué, à l’aube du XXème siècle, de très intéressants laboratoires d’idées et de recherches tel « La Légitimité » une revueanimée par son fondateur l’abbé Berton (1849-1919). Quelques cinquante ans plus tard, on doit signaler le fameux « Louis XVII » de Xavier de Roche, qui fait le tour complet de la question.
 
« Cependant nombre d’historiens ont estimé qu’une évasion était invraisemblable, et l’acte de décès de 1795 est juridiquement incontesté à ce jour. »
            Le corps de l’enfant retrouvé mort le 8 juin 1795 ne correspondait, ni par l’âge ni par la taille, à Louis XVII né en 1785. Pour ce qui devait être une histoire simple au départ – Louis XVII né en 1785, mort de maladie et de mauvais traitements en 1795 – cette histoire est truffée de coïncidences curieuses.
            Prenez le cas de ce brave médecin Pierre-Joseph Desault. Eh bien il meurt subitement. Curieusement il a aussi été le médecin qui a examiné au Temple l’enfant (qu’on lui a dit être Louis Capet) qu’il connaissait bien depuis Versailles et qu’il n’a pas reconnu, ce qu’il a dit à ses amis et confrères. Eh bien il est mort en mai 1795 « de fièvre ataxiques » … selon le rapport des brigands de la Convention.
Et puis réfléchissons : si le cadavre de juin 1795 correspondait morphologiquement au fils de Louis XVI la carrière d’escroc de « Naundorff » ne serait pas allé bien loin…
 
« A défaut d’arguments décisifs, certains survivantistes s’appuient sur des révélations privées. Par exemple, au XIXe siècle, le pieux paysan Martin de Gallardon aurait eu des révélations sur Louis XVII de la part de l’archange Saint-Michel qui venait l’entretenir vêtu d’une redingote !
            Effectivement tout cela ne semble pas faire très sérieux. Quels farceurs ces survivantistes, qui vont jusqu’à faire intervenir le Saint Archange, et l’habiller d’une redingote ! Mais cessons ce sourire automatique et réfléchissons. Commençons par préciser, ce dont notre ami peut convenir avec nous en tant que catholique : les révélations privées ne sont pas, en tant que telles, des preuves d’irrecevabilité. Les révélations privées, par exemple en matière de Religion n’engagent certes pas la foi des fidèles, au contraire des révélations reconnues par l’Église, mais la Rome éternelle ne défend pas aux fidèles d’accorder leur croyance à telle ou telle révélation dite privée, à moins qu’il n’y ait scandale.
« A défaut d’arguments décisifs » ?
            Il peut être difficile d’admettre des arguments faisant autorité, dans une science historique qui s’avère être parfois subjective, entre les plumes hommes en fonction de leurs sensibilités politiques propres.
Sur un même sujet, prenez un livre de Jacques Bainville de l’école d’AF, puis un livre du protestant François Bluche, par ailleurs excellent historien au demeurant, vous n’aurez peut-être pas, la même analyse. A côté des analyses ADN, qui se sont parfois révélées déficientes, les témoignages des anciens serviteurs et amis de la Famille Royale, ainsi que les signes de reconnaissance physiques, ne manquaient pas, qui pouvaient être reçus comme « arguments décisifs ».
« Martin de Gallardon aurait eu des révélations sur Louis XVII de la part de l’archange Saint-Michel…qui venait l’entretenir vêtu d’une redingote ! »
           Précisons d’abord que l’Ange s’est présenté en tant que Saint Gabriel.
Souvent les apparitions des Princes du Ciel, afin de ne pas effaroucher les humains, avaient lieu dans des conditions ordinaires. Dans l’Ancien Testament, les Anges sur terre, notamment Saint Raphaël apparaissant à Tobie, avaient l’allure de jeunes hommes. Seule l’allure générale devait laisser pressentir quelque-chose de céleste. Saint Joseph, qui vint (1852) au couvent des Sœurs de Lorette à Santa-Fe, pour construire son escalier mystérieux, avait l’apparence d’un Américain ordinaire du Nouveau-Mexique. La Très Sainte Vierge Marie qui s’est manifestée au Mexique (1531) à l’Amérindien Juan Diego avait l’apparence d’une jeune indienne. De même Notre-Dame qui est apparue à San Damiano (1961) à la voyante Rosa ressemblait à une jeune italienne et était habillée simplement à la mode du temps.


SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE.
 
Les études consacrées à l’histoire du royalisme sont extrêmement nombreuses. Il en est d’excellentes, mais d’autres sont lacunaires ou partiales, ce qui prouve d’ailleurs que le sujet soulève encore les passions. Nous nous bornerons à quelques titres d’orientation, sans aucune prétention à l’exhaustivité.
 
Généralités sur les idées politiques de la Contre-révolution : René REMOND, « La droite en France », Paris, 1975, 2 vol, nombreuses éditions devenu « Les droites en France » ; Louis JUGNET, « Doctrines philosophiques et Systèmes politiques », Castres, Cahiers du Présent, 1977 et réédition (Chiré).
 
Sur la monarchie selon Saint Thomas d’Aquin : SAINT THOMAS, « Petite Somme politique », par Denis Sureau, Paris Téqui, 1997 (cet ouvrage comporte une traduction du De Regno) ; Marcel DEMONGEOT, « Le meilleur régime politique selon saint Thomas » , Paris, 1938, rééd. Tournon Saint-Martin, 1999, DEL.
 
Sur le Légitimisme : Stéphane RIALS, « Le Légitimisme », Paris, P.U.F., Que sais-je?, 1983 ; PINOTEAU (Hervé),  « Monarchie et avenir », Paris, Nouvelles Editions Latines, 1960.
 
Sur le Comte de Chambord : Henri, Comte de Chambord, « Textes politiques », recueil établi par Serge DESPLANCHES, Paris, Communication et Tradition, 1995 ; Alain JOSSINET, « Henri V », Bordeaux, Ulysse, 1983 ; Daniel de MONTPLAISIR, « Le Comte de Chambord, dernier roi de France », Paris, Perrin, 2008.
 
Sur la tentative de restauration après 1870 et le conflit entre légitimistes et orléanistes : Daniel HALEVY, « La fin des Notables », rééd. Paris, Pluriel, 1995, avec préface de Hervé ROBERT, notamment T.II, « La République des Ducs » ; Emmanuel BEAU de LOMENIE, « La Restauration manquée », rééd. Paris, Librairie française, 1979 ;
 
Sur le Légitimisme après 1883, Guy AUGÉ, « Les Blancs d’Espagne », mémoire DES, Université Paris II, 1964, édité par La Légitimité-Association des Amis de Guy AUGE, Paris, 1994. L’on pourrait y ajouter une parution récente : Jacques BERNOT, « Les princes cachés », Paris, Lanore, 2014. 
 
Sur l’Orléanisme : Gabriel de BROGLIE, « L’Orléanisme », Paris, Perrin, 1981) ; Hervé ROBERT, « L’Orléanisme », Paris, P.U.F., Que sais-je ? 1992.
 
Sur le Comte de Paris, père de l’actuel : Jean BOURDIER, « Le Comte de Paris, un cas politique », Paris, la Table Ronde, 1965.
 
Sur l’aspect juridique de la controverse entre légitimistes et orléanistes, divers travaux universitaires qui confortent le point de vue légitimiste : Paul WATRIN, « La Tradition monarchique », réed. Paris, D.U.C., 1983 ; Guy AUGE, « Succession de France et Règle de nationalité », Paris, D.U.C., 1979) ; Jean BARBEY, Frédéric BLUCHE et Stéphane RIALS, « Lois fondamentales et succession de France », Paris, D.U.C., 1984.
 
Pour le point de vue orléaniste-fusionniste : Marie de ROUX, « Le Droit royal historique », Paris, 1911 et rééd. 
 
Sur le Ralliement :  MERMEIX, « Le Ralliement et l’Action Française », Paris, Fayard, 1927 ; Arnaud de LASSUS, « L’affaire du Ralliement », Action Familiale et Scolaire, n° 101 (juin 1992), Philippe PREVOST, « L’Eglise et le ralliement », Paris, C.E.C., 2001.
 
Sur les prétendants : Raoul de Warren, « Les prétendants au Trône de France », rééd. avec Arnaud de Lestrange, Paris , L’Herne, 1990, 1 vol.
 
Sur Maurras : A défaut d’une édition d’œuvres complètes, l’on pourra consulter un choix publié de manière posthume, mais préparé par MAURRAS lui-même et paru sous le titre d' »Oeuvres capitales » (Paris, Flammarion, 1954, 4 volumes, dont le second est consacré aux essais politiques) ; « Enquête sur la monarchie » : nombreuses éditions. La dernière à ce jour date de 1986, Paris, éditions du Porte-Glaive ; « De la Politique naturelle au Nationalisme intégral », Paris, Vrin, 1972 (anthologie établie par F. NATTER et C. ROUSSEAU). Pour avoir une vue complète de l’oeuvre immense du maître de Martigues, et des ouvrages qui lui ont été consacrés, il convient de se reporter à la Nouvelle Bibliographie de Charles MAURRAS de Roger JOSEPH et Jean FORGES, Aix-en-Provence, L’Art de Voir, 2 vol, 1980, et à Alain de BENOIST (chef de file de la Nouvelle Droite par ailleurs) : Charles Maurras et l’Action Française. Une Bibliographie, (Editions BCM – Yves Chiron, Niherne, 2002.
Cf. aussi Yves CHIRON, La Vie de MAURRAS, Paris, Perrin, 1991 ; Henri MASSIS, MAURRAS et notre Temps, Paris-Genève, La Palatine, 2 vol. 1951 ; Eric VATRÉ, Charles MAURRAS, Un Itinéraire spirituel, Paris, Nouvelles Éditions Latines, 1978, et notre petit essai, Maurras et la pensée contre-révolutionnaire (réédité par l’Action Familiale et Scolaire).
 
Sur l’Action Française : R. HAVARD DE LA MONTAGNE, « Histoire de l’Action Française », Paris, Amiot-Dumont, 1950; Eugen WEBER, « L’Action Française », Paris, Stock, 1962 (critique) ; Jean de FABRÈGUES, « Charles Maurras et son Action Française », Paris, Perrin, 1966 ; Albert MARTY, « L’Action Française racontée par elle-même, » Paris, Nouvelles Editions Latines, 1968 ; Lucien THOMAS, « L’Action Française devant l’Eglise », Paris, Nouvelles Éditions Latines, 1965 ; Roger TEBIB, «  Charles Maurras ou la seule France », Paris, La Restauration Nationale, 1986 et l’excellente étude condensée de Maurice TORELLI,  « Charles Maurras et la pensée d’Action Française », Savigny-sur-Orge, Modern Copy,1976-77 (Supplément à « Notre Avenir Français »).
 
LA TOUR DU PIN : LA TOUR DU PIN, « Vers un Ordre social chrétien ». Jalons de route, 1882-1907, rééd. Paris, Le Trident, 1987 ; Antoine MURAT, « La Tour du Pin en son Temps », Paris, Via Romana, 2008.
 
Sur le « vécu » des royalistes : LA VARENDE, « Les Manants du Roi », Plon, 1938, réed. Livre de Poche).   
 
Sur Louis XVII : parmi une énorme quantité d’ouvrages, nous nous bornerons à indiquer des livres qui peuvent servir d’instruments de travail et d’orientation : Lionel Parois, « Essai de bibliographie sur Louis XVII », Paris, 1992 ; Eric MURAISE, « Les treize portes du Temple et les six morts de Louis XVII », Paris, Trédaniel, 1980 ; Jacques HAMANN et Maurice ETIENNE, « Louis XVII et les 101 prétendants », Paris, 1999.
 
Sur le Providentialisme : il existe toute une littérature, plus enthousiaste que rigoureuse, par exemple, l’ouvrage de M. LESAGE de LA FRANQUERIE, « La mission divine de la France »,5e ed. Grenoble, 1955, et rééd.  L’on citera cependant un intéressant exposé d’ensemble : Eric MURAISE, « Histoire et légende du Grand Monarque », Paris, livre de Poche, 1975.


  1. Partie prenante des conflits du XXe siècle, le colonel Château-Jobert écrivait « contrerévolution » en un seul mot pour montrer qu’il s’agissait d’une notion positive, et non seulement d’une réaction. ↩︎
  2. Certains prétendent qu’il y aurait eu des sacres mérovingiens mais la question est discutée. ↩︎
  3. C’est un cas rare mais cela existe encore aujourd’hui : la Grande-Bretagne n’a toujours pas de constitution écrite. ↩︎
  4. C’est-à-dire qu’une fois qu’une règle est dégagée, elle ne peut plus être modifiée. ↩︎
  5. La France est alors occupée par la Russie. ↩︎
  6. Auparavant Louis XVIII non plus ne fut pas sacré, mais il semble qu’il en ait eu le projet, qui n’a pas été réalisé, probablement en raison de sa santé. ↩︎
  7. …lequel a aussi une dimension démocratique très forte : au lieu de s’appuyer comme la royauté sur les notables, il va s’appuyer sur le plébiscite populaire. ↩︎
  8. Cela veut dire à l’époque la liberté des cultes tels qu’ils existaient… ↩︎
  9.  En 1892 le pape Léon XIII appelle les catholiques, jusque là intransigeant royalistes, à se rallier à la République. ↩︎
  10. Un petit trait montre bien son idéal de gouverner lui-même : lors d’un bal masqué, il surprend tout le monde en arrivant déguisé en Louis XIV↩︎
  11. Le duc d’Orléans était châtelain d’Eu. ↩︎
  12.  Ce qui devait être plus insupportable à l’arrière petit-fils d’Égalité était vraisemblablement plus l’alliance entre royalisme et nationalisme, que celle réunissant jacobinisme et royalisme… ↩︎
  13. « Le comte de Paris à l’Élysée ? Pourquoi pas la reine des Gitans ? ») ↩︎
  14. Nous vous invitons, en complément d’information, à vous reporter au dossier « Carlisme » ↩︎

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