Comprendre le Carlisme – Le mouvement et ses princes

Le carlisme n’est pas simplement une question dynastique, de primogéniture, c’est surtout une question de principe. Les deux légitimités du Roi carliste : légitimité « d’Origine » (la Naissance) et la légitimité « d’Exercice » (gouverner selon les idéaux de la Tradition carliste). C’est cela qui est différent du royalisme français et c’est cela qui a motivé les combats des requetès, les combattants carlistes.

C’est aussi pour cette raison que le prince Sixto-Enrique (Sixte-Henri) de Bourbon-Parme, intransigeant sur la question des principes a été reconnu Régent du Carlismede la Tradition carliste. M&D (« Monarchies & Dynasties du Monde ») écrit en effet : « La CTC (« Communion Traditionaliste Carliste » ; ndlr) a été fondée en 1975 en réaction aux réformes entreprises par le Prince Charles-Hugues de Bourbon-Parme (1930-2010) jugées trop à gauche par une partie des carlistes (…) les carlistes avaient alors choisi le prince Sixte-Henri de Bourbon-Parme pour représenter leurs valeurs. » 1
 
Venons-en donc à la succession des Princes Carlistes au trône d’Espagne et aux quelques évènements historiques qui ont émaillé le cours de ce long déroulement historique. Pour une meilleure compréhension du problème carliste, passablement compliqué pour nous Français, j’ai pensé à présenter d’abord une vue générale, puis une vue détaillée, de la Succession légitimiste au, rappelons-le, trône d’Espagne.

La succession Carliste depuis 1833

Vue générale

Autant qu’il l’a été possible, j’ai simplifié cette Succession légitimiste espagnole. La date portée au-dessus du nom et en gras est celle de l’avènement du prince à la succession.

La succession Carliste

Vue détaillée

« Souvenez-vous toujours que vous êtes du Sang de France ! » Louis XIV à son Petit-Fils Philippe V Roi d’Espagne

A – Rois Carlistes de Bourbon en ligne directe (1833-1936)

1833 –   Don Carlos V de Bourbon (Première Guerre Carliste)
Fils cadet du défunt roi Carlos IV, frère du roi Ferdinand VII. Il abdiquera en faveur de son fils Charles.
 
1845 –   Don Carlos VI (Deuxième Guerre Carliste)
Il abdiquera en faveur de son fils Juan.
 
1861 –    Don Juan III
Il abdique en faveur de son fils Charles.
 
1868 –   Don Carlos VII (Troisième Guerre Carliste)
Le plus grand des trois chefs de guerre abdiquera en faveur de son fils Jaime.
 
1909 –   Don Jaime III, Régent de la Communion Traditionaliste Carliste
A sa mort en 1931, la Régence passera à son oncle Alfonso-Carlos.
 
1931 –    Don Alfonso-Carlos I, Régent de la Communion Traditionaliste Carliste
La dynastie capétienne carliste d’Espagne en ligne directe cessera à sa mort en 1936, causée par un accident de la circulation à Vienne (Autriche). Don Carlos I, sans héritier, avait désigné son successeur en la personne d’un neveu de son épouse, Don Javier de Bourbon-Parme. Ainsi les carlistes vont tenir Don Javier I pour Régent de la Communion carliste, tout en considérant le libéral Alphonse XIII comme Successeur à la Couronne d’Espagne.
 
Ainsi, à compter de 1936, les Familles de Bourbon (Alphonse XIII) et d’Habsbourg-Lorraine (Carlos VIII) vont disputer aux branches aînée et cadette de Bourbon-Parme, la Régence du carlisme espagnol.

B – Succession aîné de Bourbon-Parme

1936 – Javier (François-Xavier) I
Le prince Javier incarne, comme ses prédécesseurs Alfonso Carlos I et Jaime III, un carlisme traditionaliste fidèle à ses origines. A cette date, l’Espagne est plongée dans la Guerre Civile en lutte contre le communisme. Don Javier de Borbon demande que ses forces carlistes se joignent aux côté des phalangistes et des nationalistes, pour combattre le bolchevisme soviétique. Le Catholicisme traditionnel que professait Javier I le tenait en haute estime auprès du pape Pie XII, au contraire de Jean XXIII 2.
Le prince abdiquera en 1975, en faveur de Carlos-Hugo son fils aîné, choix contesté par le frère cadet Sixte-Henri.
 
1975 – Carlos-Hugo (Charles-Hugues) de Bourbon-Parme
Ce prince avait été démasqué comme moderniste dès le funeste concile Vatican II. Régent du Carlisme de tradition, il se disait satisfait de l’ambiance libérale qui baignait le concile. Il multipliait les déclarations scandaleuses pour un prince carliste. En 1957, à Montejurra, devant une foule de carlistes, il dénonçait « la médiocrité des traditions » (sic).
Ses idées de gauche poussèrent alors la Communion Traditionaliste Carlisteà le renier, ne reconnaissant que Sixte-Henri pour seul Régent. La guerre est déclarée avec le frère cadet, qui l’accuse de trahir les idéaux du carlisme. Carlos-Hugo décide alors de regrouper ses partisans carlistes libéraux ( !) dans son « Parti Carliste ». Le prince rouge Carlos-Hugo mourra en 2010, en désignant son fils Carlos comme Régent.
 
2010 – Carlos-Javier (Charles-Xavier) I
Depuis le 1er décembre 2019, le fils de Carlos-Hugo semble vouloir revenir à un carlisme de tradition. Le prétendant au trône d’Espagne a fait grincer les dents de l’épiscopat moderniste, en la Chapelle Saint-Calice de la cathédrale Sainte-Marie de Valence. En ce lieu sacré, Carlos-Javier I a prêté un serment de Souverain du Royaume de Valence, à la manière carliste.
Cela a soulevé l’indignation, bien-entendu, des autorités diocésaines, criant que le seul souverain du Royaume de Valence est le roi d’Espagne Felipe VI de Borbon… L’archevêque de Valence aura osé parlé de « serment pirate ». Don Carlos-Javier a juré sur les Saints Évangiles de respecter les fueros (fors) et autres coutumes et franchises du XIIIème siècle et en vigueur jusqu’au début du XVIIIème dans le royaume de Valence.
Comme le clergé présent l’avait interdit, sur ordre de l’Archevêché, les carlistes attendirent que les prêtres (une fois faite la bénédiction sur le prince) eurent quitté les lieux. Le prince put alors lire sa déclaration devant l’autel, en présence des carlistes et de sa tante Marie-Thérèse de Bourbon-Parme, comtesse de Poblet :
 
« Moi, Carlos Javier de Bourbon-Parme, je jure sur les quatre évangiles de Dieu que je touche maintenant de ma main, et sur la Croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ, que j’accepte pleinement les droits historiques inchangés du peuple valencien et que je respecterai et protégerai tous les droits et libertés reconnus dans les Fors du Royaume de Valence et dans les lois émanant des tribunaux valenciens »

C – Succession cadette de Bourbon-Parme

1975 – Sixto-Enrique (Sixte-Henri) de Bourbon-Parme
Le prince Sixte-Henri de Bourbon, est duc d’Aranjuez, infant d’Espagne, prince de Parme et de Plaisance. Depuis 1975, il se considère comme seul Régent. Ce Prince béarnais de nationalité franco-espagnole, qui naquit le 22 juillet 1940 au pays du roi Henri IV, à Pau, est le descendant du roi Philippe V de France et d’Espagne, petit-fils de Louis XIV.

D – Succession « Alphonsiste » (à l’ombre d’Isabelle II)

Cette famille estime que les lois de succession obligeaient Alfonso-Carlos Ier à désigner l’ancien Roi d’Espagne pour lui succéder.
 
1936 – Alfonso XIII, Roi d’Espagne
Ce petit-fils d’Isabelle II a été Roi d’Espagne entre 1886 et 1931.
 
1941 – Jaime IV (Jacques IV)
Ce troisième fils du roi Alphonse est le père du roi Juan Carlos Ier et le grand-père de l’actuel roi Felipe VI. A la mort du roi Alphonse XIII, certains carlistes (les jaimistes ) s’étaient ralliés au fils cadet du souverain défunt, Jaime IV, amenant une nouvelle dissidence.
 
1975 – Juan-Carlos (Jean-Charles) I, Roi d’Espagne
Ce prince de Bourbon a été proclamé roi d’Espagne (1975-2014) avec l’aide de Franco. Il s’est surtout distingué par sa trahison des idéaux nationaux-catholiques du franquisme ainsi que par son goût pour la démocratie. Le roi abdique en 2014 en faveur de son fils Felipe.
 
2014 – Felipe (Philippe) VI, Roi d’Espagne depuis 2014
Comme son père Juan-Carlos, il descend du roi Philippe V et donc de Louis XIV.

E – Succession « Carloctaviste » d’Habsbourg-Lorraine

Cette branche descend de la princesse Blanche de Bourbon (1868-1949) de Habsbourg-Lorraine et fille de Carlos VIII (Carlos-Octavo). A partir de 1932 le militantisme carliste carloctaviste gravitait autour du journal « El Cruzado Español », le Croisé Espagnol, dirigé par Jesus Cora y Lira. Les cruzados (lecteurs et rédacteurs du journal rappellent que les règles de succession sous Philippe V (1713) reconnaissaient aux filles le droit à la succession en l’absence de successeur mâle. En 1936, Carlos VIII déclare passer devant Javier Ier, et Alfonso XIII. Les Parmesanistes (Bourbon-Parme) démentent : Carlos-Pio reproduit l’usurpation d’Isabelle II…
 
1936 – Carlos-Pio de Habsbourg-Toscane
Il est le cinquième fils de Léopold Salvator archiduc de Habsbourg-Toscane et de Blanche de Bourbon. Ses idées carlistes lui attirent la sympathie des vrais traditionalistes et de plusieurs nationalistes. Il fonde l’ordre royal du Lys de Navarre, dont l’un des membres sera le général Franco. Il est également le Grand-Maitre de la branche espagnole de l’ordre royal de la Toison d’Or, que les rois carlistes avaient délaissé depuis Carlos VII. Sa mort en 1953 est un coup dur pour les carloctavistes. Nombre de Carloctavistes rejoignent le camp des Bourbon-Parme.     

La succession Habsbourg-Lorraine reconnaîtra successivement les frères de Carlos Pio : Léopold Ier en 1953, Carlos IX en 1961, et François-Joseph Ier également en 1961. En effet, l’archi-duc Otto de Habsbourg-Lorraine, farouchement opposé à sa candidature, avait intimé l’ordre à Carlos de renoncer à la succession. Depuis 1975, le prince Dominique Ier, né en 1937, conduit les prétentions carlistes de sa maison. 


Retrouvez notre article « Le CARLISME guerrier en dates ».


  1. monarchiesetdynastiesdumonde.com ↩︎
  2. « La situation s’était alors compliquée du fait de la sympathie et, disons-le, du soutien qu’apportait le pape Pie XII au prince Xavier tout au long de la période de régence puis après qu’il eut été proclamé roi par la Communion traditionaliste. Mais Pie XII mourut en 1958 (…) Son successeur, le pape Jean XXIII ne fut pas aussi réceptif aux idées carlistes et y fut même hostile puisqu’il déclara le prince Xavier persona non grata au Vatican. La perte de l’appui du Saint-Siège fut mal accueillie en Espagne au sein de la Communion traditionaliste. » vexilla-galliae.fr ↩︎

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