Chevalerie – quelques généralités de base

Esprit chevaleresque – Une institution – Ordre et Ordres – Adoubements
Généralités
Gustave Doré : la victoire sur Lucifer du Grand-Maître de la Chevalerie céleste, Saint Michel.

A l’heure actuelle nous subissons une guerre des mots et la mort de notre vocabulaire précis est l’une des causes du mémoricide qui nous est imposé : un tel qui dit faire « carême » (lorsqu’il fait le « ramadan ») confond « croisade » et « djihad ». On dit de tel homme politique qu’il a été « adoubé » par un autre. Sur grand-écran, des extra-terrestres hideux sont appelées chevaliers Jedi, et autres chevaliers du zodiaque… Le résultat est que nos contemporains ne savent plus ce qu’est la chevalerie, affublent n’importe quel exploit du nom de « croisade », etc.

On sait que certains auteurs de « Nouvelle Droite » 1, comme Jean Mabire (1927-2006), et en général tout le courant improprement dit d’extrême-Droite 2, sont fascinés par la Chevalerie. Hélas leur grille de lecture, néo-païenne, donne une toute autre définition de l’idéal du miles chrétien.

Or le Dieu pour lequel veut vivre et mourir le chevalier est Jésus-Christ, et non pas Wotan ou Odin. Sous prétexte de nouveauté, ces écrivains ont donc voulu arracher l’idéal de la Chevalerie à ses racines chrétiennes, pour le présenter comme la simple force brutale dans la guerre. On ne voit plus trop de différence alors entre le guerrier viking mourant pour entrer au Walhalla, et le chevalier en quête du Saint Graal 3. Il y eut, assurément, des chevaliers sanguinaires, fort peu préoccupés par le salut de leurs âmes. Raoul, héros de la chanson de geste du Xème siècle « Raoul de Cambrai », prenait plaisir à ne tenir aucune de ses promesses jusqu’à s’en rendre odieux, riait de ses vaincus et ne leur accordait aucune pitié, se moquait des femmes, pillait et incendiait les couvents, etc.
Mais ce qu’on nomme chevalerie n’est pas une confrérie de guerriers sanguinaires et félons.  Elle fut régénérée dans le sang versé à la Croisade et a offert le plus bel exemple de charité qui soit : les Ordres Militaires qui sont une croisade permanente.
 
Chaque Français est du sang de saint Charlemagne, dit-on : une telle origine doit nous faire tenir en haute estime la Nation française, laquelle fournit aux premiers ordres militaires de Terre Sainte, dès le XIIème siècle, le plus grand nombre de leurs chevaliers. Ce prestige franc étincelant, qui a impressionné à jamais les peuples guerriers de l’Islam, a fait naître ce qu’on nomme l’esprit chevaleresque ou esprit de croisade de nos grandes épopées militaires modernes

L’esprit chevaleresque

La Civilisation franque traditionnelle repousse cette vomissure nommée république etne peut s’estimer fille de la révolution ; elle doit chercher plus haut son esprit éternel. Une âme ardente nationale et catholique est apte à comprendre cet esprit de croisade anti-communiste, qui animait, par exemple, les volontaires français de la LVF (1941-1944), idéal qu’a très bien résumé l’un de nos plus grand cardinaux français, le cardinal Alfred Baudrillart. Il déclarait le 14 décembre 1941, cinq mois après la fondation de cette LVF 4 :

« Contre les puissances démoniaques, l’archange Michel brandit son épée vengeresse, brillante et invincible. Avec lui sont unis et marchent les vieux peuples chrétiens et civilisés qui défendent leur passé, leur avenir aux côtés des armées allemandes (…) Comme prêtre et comme Français, j’oserai dire que les légionnaires de la Croisade antibolchevique se rangent parmi les meilleurs fils de France. Placée à la pointe du combat définitif, notre légion est l’illustration agissante de la France du Moyen-Âge, de notre France des cathédrales ressuscitées (…) En vérité, cette Légion constitue à sa manière une chevalerie nouvelle. Ces légionnaires sont les croisés du XXe siècle. Que leurs armes soient bénies ! »

Monseigneur Jean de Mayol de Lupe 5, aumônier de la LVF, célèbre la Sainte Messe pour les légionnaires.

On sait que cet élan chevaleresque animait aussi les Vendéens et les Chouans, puis les Cristeros de 1926 6. Il animait également les Carlistes, puis les Phalangistes de Jose-Antonio Primo de Rivera dont nous parlerons également sur ce site. On appellera enfin du beau nom de croisade la réaction nationaliste de Franco lors de la Guerre Civile espagnole (1936-1939). 
 
Cependant réduire quelque peu une institution d’Ordre chrétien comme la Chevalerie à son seul espritinspirant les mouvements nationaux-catholiques du XXème siècle, ce serait évidemment insuffisant.
Pour comprendre, il est nécessaire de revenir aux sources de l’institution, laquelle est d’Église.

Restons-en seulement, ici, aux généralités. J’aurai l’occasion d’y revenir et en détails.

Une institution de la Sainte Église

Il faudrait commencer par la définir. L’Église a fondé quatre grandes institutions que je dirais politiques : la Monarchie royale et impériale, la Croisade, les Ordres militaires et la Chevalerie.
Cette dernière – tirée par les évêques du milieu de cette noblesse carolingienne qui ne croyait alors qu’à la force comme seule règle du droit – met désormais son épée au service de la Sainte Église et de la Chrétienté. L’héritage de Charlemagne était morcelé entre ses fils et petit-fils, et voici que ces nouveaux chevaliers renouaient avec l’idéal du saint empereur : servir et défendre le pape et cette république chrétienne 7. Comme les autres institutions politiques de Chrétienté, la Chevalerie a pour finalité celle de défendre le bien-commun en permettant le salut de tous 8.

Ordre de la Chevalerie et Ordres de Chevalerie
Gustave Doré : la mort de Jacques de Maillé maréchal de l’ordre du Temple

Cette Chevalerie est déjà un ordre puisqu’elle regroupe l’ensemble des chevaliers adoubés selon les règles. Après la constitution du Saint Royaume Latin d’Orient par le roi Baudouin II de Bourcq (1118-1131), cette chevalerie s’accomplit par les nobles chevaliers du Temple jusqu’à devenir, comme l’écrivait si bien saint Bernard dans sa lettre au fondateur Hugues de Payns chevalier champenois : la « nouvelle Chevalerie », qui se désolidarisait de l’ancienne, celle de Raoul de Cambrai par exemple, par sa foi vibrante et, par conséquent, son refus des carnages injustes.

Ce n’était ni plus ni moins que la recommandation de saint Jean Baptiste aux soldats venus le trouver. Le Précurseur ne leur demanda pas de ne plus se servir de leur épée (comme tendrait à le faire croire certaines interprétations gauchistes des Saintes
Écritures) mais «n’usez de violence ni de fraude envers personne » (St Luc III, 14) L’idéal de la chevalerie retrouvée est bien celui des premiers ordres militaires, les templiers en particulier. De cet Ordre de Chevalerie sont normalement exclues les personnes crées chevaliers par une remise de diplôme avec médaille, ou contre versement d’une certaine somme, ce qui corrompt l’idéal 9.
             Du sein de cette chevalerie vont se constituer des ordres de chevalerie, faisant office de forces de police, qui regroupent les chevaliers qui suivraient une même règle et obéiraient au même supérieur. On ne parle pas ici d’ordres de laïcs religieux, mais d’ordres de laïcs réguliers séculiers 10. Il s’agit de confréries militantes destinées à servir de police au sein des royaumes.
 
Ces ordres de chevalerie seront progressivement mis au service d’un prince ou d’une dynastie, ou crées dès le départ comme tel. On connaît ainsi l’Ordre de la Jarretière, de Saint-Michel, de Saint-Louis, etc. J’espère que j’aurai le loisir et le temps de revenir en détail sur ces ordres. Même si ceux-ci ont eu, parmi leurs membres, de preux chevaliers, il faut reconnaître que la plupart d’entre eux sont des ordres royaux et que leur idéal national ou dynastique s’éloigne, peu ou prou, de celui des origines : promotion et service de l’ordre chrétien.
 
 
Le grand-public peine cependant à savoir si les Templiers, ou les Teutoniques, pour ne citer qu’eux, étaient formés ou non de religieux. Cette distinction est importante, puisqu’elle va nous aider à comprendre qu’un ordre de chevalerie au XXIème siècle, comme l’Ordre Équestre du Saint-Sépulcre (1847) ou l’Ordre des Chevaliers de Notre-Dame (1945) peut être légitime bien que formé de membres laïcs.
 
1 – Chevalerie religieuse. Les premiers ordres militaires fondés à la suite de la Ière Croisade (1095) étaient formés de chevaliers, tous issus de familles nobles et tous religieux. Etaient concernés les chevaliers du Temple, de l’Hôpital 11, de Saint-Lazare, de Sainte-Marie des Alamans ou Teutoniques, de Calatrava. Ces chevaliers prononçaient des vœux solennels de Religion.
 
2 – Chevalerie mixte. Sur le front de la Reconquista contre les Maures, l’Ordre de Saint-Jacques de l’Épée ou de Santiago (1160) était un ordre dit mixte, composé de chevaliers religieux et de chevaliers laïcs mariés. L’ordre, supprimé en Espagne en 1873 et au Portugal en 1910, n’est plus qu’un ordre dit honorifique.
 
3 – Chevalerie séculière. Il est un ordre de chevalerie bien moins connu, fondé à l’initiative de saint Dominique 12 pour lutter contre les armées aidant les hérétiques manichéens, tels les fameux cathares, l’Ordre des Chevaliers du Christ, lequel ordre est à l’origine du tiers-ordre de Saint-Dominique. Cet ordre était séculier, formé de chevaliers mariés.

L’accession à la Chevalerie
Benedictio Novi Militis : l’adoubement liturgique

J’écris plus haut : « De cet Ordre de Chevalerie sont normalement exclues les personnes crées chevaliers par une remise de diplôme avec médaille, ou contre versement d’une certaine somme ».
Précisons : il existe bel et bien des confréries dites de chevalerie, destinées à défendre une AOP culinaire, à récompenser un exploit sportif ou à honorer une personne. Cependant, je ne suis pas autorisé à affirmer qu’il s’agit de chevaleries. D’abord, on ne naît pas chevalier. On le devient, et on ne le devient qu’en passant le rite de l’adoubement.

Il existe deux types d’adoubements, le militaire et l’adoubement d’église.
 
A – Adoubement laïc (militaire) qui est administré par un chevalier. Tout chevalier peut adouber un chevalier. En général un prêtre est présent, qui aura béni l’épée et le futur chevalier. Cet adoubement a été popularisé par la culture populaire (romans de chevalerie, cinéma de cape et d’épée).
 
B – Adoubement liturgique (d’Église) ou « Benedictio Novi Militis » (bénédiction du nouveau Chevalier) qui est conféré par un évêque ou un Père Abbé mitré.
Parlons un peu de ce rituel moins connu de nos contemporains, portant si antique et vénérable. Les plus anciennes traces de rituels au pontifical remontent au Xe siècle. C’est le cas du rituel d’adoubement liturgique au « Pontifical Romano-Germanique » remontant à l’an 950… Si on est hélas familiarisé avec le processus d’auto-démolition catholique de l’Église depuis Vatican II 13 on ne sera pas surpris d’apprendre que le rituel a disparu (sans avoir été aboli néanmoins) du Pontifical Romain par Jean XXIII. Le rituel n’est cependant pas aboli puisque nous connaissons au moins deux ordres de chevalerie qui en font usage pour leurs nouveaux chevaliers, l’Ordre de Notre-Dame et l’Ordre  équestre du Saint-Sépulcre. Or celui-ci, qui est reconnu par Rome, au même titre que l’Ordre Souverain de Malte, a un cardinal pour Grand Maître.

Retrouvez notre article « LA CHEVALERIE ».


  1. La Nouvelle Droite (apparue en 1969 avec le G.R.E.C.E « Groupement de Recherche et d’Études pour la Civilisation Européenne ») est une mouvance politique et philosophique dite d’extrême-droite, mais de tendance néo-païenne nationale-européenne et proche des milieux néo-païens. Son principale représentant est l’essayiste Alain de Benoist. Le courant se dit hostile aux tendances égalitaristes de la gauche, tout en étant séduit par certaines idées marxistes, notamment les idées socioculturelles d’Antonio Gramsci (1891-1937) lequel fonda le Parti Communiste Italien, avant d’être fort heureusement emprisonné en 1926 par le régime du Duce. La Nouvelle Droite exerça en France une forte influence sur le Front National. Quand les néo-droitistes de Benoist se disent « gramscistes de droite » cela ne veut strictement rien dire. Ce serait aussi absurde que d’entendre certains fidèles de Gramsci se prétendre fascistes de gauche ! Notre univers culturel est pollué par ce genre de bouillie prétendue intellectuelle sur laquelle il faut tirer la chasse ! Mussolini, on le sait, vient de l’anarcho-socialisme. Mais depuis les années 1920 il avait renié ses anciennes idées. Le problème est que les idées d’Alain de Benoist réussissent à séduire, non seulement des personnes dites de droite, mais également des catholiques traditionalistes ! ↩︎
  2. Ce qui traditionnellement est dit de droite, est catholique et monarchiste (ce que reconnait implicitement la Nouvelle Droite : une droite tellement nouvelle qu’elle cessa d’être de droite… ↩︎
  3. Le Saint Graal, le Saint Calice utilisé par le Christ lors de la Cène, est au trésor de la cathédrale de Valencia (Espagne). Il est exactement exposé et vénéré dans la Capilla del Santo Cáliz (chapelle du Saint Calice) depuis 1916. ↩︎
  4. La « Légion des Volontaires Français contre le Bolchevisme » (LVF) a été fondée le 8 juillet 1941 pour lutter, aux côtés des forces de l’Axe, contre la Russie soviétique, que le IIIème Reich venait d’envahir. En septembre 1944, Berlin ordonne la dissolution de la LVF et ses membres intégrés à la division Waffen SS « Charlemagne ». ↩︎
  5. Monseigneur Jean de Mayol comte de Lupe (1873-1955) de tradition familiale, est royaliste légitimiste, attaché aux princes carlistes prétendant au trône d’Espagne : par exemple le voici d’abord aumônier du prince Jacques de Bourbon, don Jaime (1870-1931) puis d’Alphonse-Charles de Bourbon, don Alfonso-Carlos (1849-1936). Il a également été chevalier ecclésiastique d’un ordre équestre remontant à Constantin le Grand, l’Ordre Sacré et Militaire de Saint-Georges. En 1938, lors du Congrès de Nüremberg, il est séduit par le IIIe Reich et son chef Adolf Hitler. En 1941, avec l’accord de Pie XII, il est l’aumônier de la LVF, puis en 1944 de la Division Waffen SS Charlemagne. ↩︎
  6. Soulèvement en 1926 des catholiques mexicains, brimés et martyrisés par le gouvernement républicain maçonnique du président Calles. La répression sera impitoyable, mais les cristeros remportèrent également de belles victoires, en dépit de leur abandon par l’Église de Pie XI dont les diplomates mexicains réussirent à abuser la crédulité. Tout un peuple, d’un bel élan, affrontait l’armée fédérale qui arborait le drapeau noir en criant « Viva el Demonio » ! Quant aux preux combattants cristeros « amnistiés par le gouvernement mexicain, ils seront poursuivis et assassinés en grand nombre jusqu’en 1940. » (fr.aleteia.org) ↩︎
  7. l’Ordre chrétien ou Civilisation chrétienne, encore appelé la Chrétienté ou Respublica christiana. ↩︎
  8. Les institutions politiques de l’Église ont deux finalités, l’une « intrinsèque » : la poursuite du bien-commun, l’autre «extrinsèque » : permettre le salut du plus grand nombre par la Chrétienté. ↩︎
  9. transposé dans le domaine clérical, il s’agirait du péché de corruption, nommé « simonie ». ↩︎
  10. Le chevalier laïc régulier séculier est un chevalier laïc, donc non clerc, qui obéit à une règle tout en restant dans le monde aussi appelé le siècle en terminologie d’Eglise. ↩︎
  11. Futur Ordre de Rhôdes (1310) puis de Malte (1530) ↩︎
  12. Domingo de Guzman (1170-1221) était apparenté à des chevaliers des grands ordres chevaleresques d’Espagne. ↩︎
  13. La demande de suppression de la législation chrétienne au sein des derniers États catholiques d’Europe est une initiative de Paul VI… ↩︎

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